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Quand la direction ordonnait...

Propos de Tomas Borges

Nous avons publié dans les précédents « Volcans », les déclarations de plusieurs personnalités (Ernesto Cardenal, Gioconda Belli, Sergio Ramirez) sur les raisons de leur rupture avec le FSLN. Lors d'un passage en France, Tomas Borge a bien voulu nous confier ses impressions sur la situation politique au Nicaragua. Compte rendu.

Malgré les événements des dernières années, en particulier la déroute du camp socialiste, le Front n'a pas renoncé à sa stratégie historique vers le socialisme même si le pessimisme s'accroît dans la gauche en général.

Cette déroute montre avant tout l'énorme faiblesse de cette proposition sociale créée en Europe et qui n'était pas forcément adéquate. Cela étant, a-t-on gagné ou perdu ? Je pense que l'on a gagné car cela nous donne le droit de chercher nos propres propositions et peut permettre une renaissance du socialisme en dehors de la bureaucratie et de l'autoritarisme.

Le Front a été une force puissante qui a reçu l'appui de 80 à 90 % de la société nicaraguayenne. Le peuple nicaraguayen s'est fait beaucoup d'illusions sur le Front. Les Nicaraguayens sont fiers d'être nicaraguayens, ils ont recherché la dignité, il y a eu des progrès sociaux importants et exemplaires.

Avec la montée des mouvements sociaux (création des syndicats, rôle des femmes, des pauvres, des paysans, etc.) la révolution change la règle du jeu. Mais l'inexpérience et le manque de qualité morale révolutionnaire furent la cause de nombreuses erreurs.

La baisse de l'initiative a conduit à la montée de l'autoritarisme : la direction du FLN ordonnait, les autres obéissaient.

Le développement des revendications jugées non conformes a été empéché. La critique interne a été quasiment supprimée. Les militants sont devenus acritiques ou n'avaient pas le courage de critiquer par peur d'être considérés comme des diviseurs. En cela, ce ne fut pas très différent des autres pays socialistes. Faire une remarque contre un dirigeant constituait un péché mortel. Nous n'avons pas été capables d'être à l'écoute car nous avions le pouvoir. La répression, trop forte dans la montagne et supérieure à notre capacité d'attraction, a renvoyé des paysans à la Contra. Voir aussi l'exemple de la côte Atlantique.

Division lamentable

Les yankees refusent tout pardon à une révolution. Leur armée n'a pas gagné, mais nous a conduit au service militaire patriotique qui fut une erreur stratégique. Même avec la guerre et la crise économique on aurait pu gagner les élections s'il n'y avait pas eu tant d'erreurs d'éthique morale, si la confiance avait été maintenue dans les dirigeants. Les députés ne représentent rien, nous avons fait des erreurs dans leur choix, car bien souvent ils sont rejetés par la population. En revanche, la Direction était intouchable, mais nous nous sommes rendu compte que nous ne l'étions pas tant.

De nombreux intellectuels, de gens de valeur nous ont rejoint à la fin de la lutte contre la dictature. Ils furent ministres ou occupèrent des postes importants. Des dirigeants de la lutte des paysans sont devenus des cadres de l'armée ou du Front, ou des fonctionnaires. Sergio Ramirez fut un bon vice-président qui a accompli son travail. Fernando Cardenal, qui a organisé la croisade d'alphabétisation, est un autre cas exceptionnel. Tous les deux et bien d'autres ont quitté le Front. La division actuelle est une division lamentable. J'ai voté pour Sergio au Congrès, bien que connaissant ses aspirations présidentielles, car il avait sa place à la Direction.

Dans la situation actuelle, nous défendons la demande sociale, soutien aux grèves d'instituteurs, de transporteurs, etc. Nous élaborons un programme alternatif économique. Il reste de graves problèmes comme la remise des terres qui n'est pas encore légalisée. Nous essayons d'attirer d'autres forces sociales en respectant leur autonomie.


Propos recueilis par Michel Picquart.


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