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« La crise du sandinisme est irréversible »

Interview de Sergio Ramirez

Sergio Ramirez vient de quitter le FSLN et Dora Maria Tellez de démissionner de la direction du Front. Peu de temps avant, il avait accordé une entrevue au quotidien espagnol El Pais . En voici quelques extraits.

Jusqu'où va aller la crise du sandinisme ?

Sergio Ramirez : Il y a des moments où les crises politiques deviennent vraiment irréversibles. Je ne vois aucune possibilité d'un accord amenant à une recomposition du Front sandiniste tel que nous le connaissions avant de cette crise. La seule alternative qui reste est de penser sérieusement à des forces sandinistes différentes, organiquement et dans leur essence politique.

Le degré de température auquel ce conflit est arrivé, du point de vue des cris et des insultes, ne me préoccupe pas. Nous sommes en train de comparer deux essences politiques complètement différentes, celle d'une partie du Front sandiniste qui croit profondément qu'il est possible de revenir à un projet de pouvoir semblable à l'antérieur, et ceux qui, comme nous, croyons que le sandinisme ne peut être viable comme force politique qu'en changeant, en se modernisant, et évidemment en se rénovant.

Vous préparez-vous à participer aux élections de 1996 en tant que parti indépendant ?

S. R. : Nous devons commencer à nous y préparer. Maintenant que les incompatibilités avec le sandinisme officiel sont devenues telles que l'on nous pousse dehors sous l'accusation de « traîtres », si nous voulons faire valoir pour le pays l'alternative politique que nous représentons, qui est une face nouvelle du sandinisme ­ et je crois que le sandinisme rénové est la seule option d'avenir de ce pays ­, il faut se préparer à prendre cette option.

Du point de vue idéologique, comment définiriez-vous le Mouvement de rénovation sandiniste [MRS, fondé par S. Ramirez en 1994, ndlr ] ?

S. R. : Notre mouvement pense qu'il n'y a d'autre issue pour le pays que le changement permanent. C'est là que s'établissent les grandes différences. Je me vois comme faisant partie d'un spectre politique démocratique sans partis hégémoniques ni partis au pouvoir per secula seculorum. Je ne crois plus dans les partis hégémoniques, dans les partis d'«avant-garde ».

Dernièrement, vous avez critiqué publiquement le phénomène de despotisme au sein du Front sandiniste. Vous référiez-vous spécifiquement à Daniel Ortega ?

S. R. : Daniel Ortega représente le despotisme dans le sandinisme, mais «par défaut », parce que celui qui possédait tous les attributs du caudillo en 1979 était T. Borge. Un nouveau type de caudillo, vêtu d'un uniforme vert olive, avec des lauriers et qui, en plus, cultivait son image auprès des masses.

Cependant, par un jeu d'équilibre interne dans cette direction collective vêtue de vert olive, Daniel Ortega a fini par être «élu » pour représenter cette image de caudillo, qu'il a conservée. L'enracinement despotique de Daniel Ortega plonge ses racines dans les masses populaires sandinistes. Il a un enracinement réel, personne ne peut le nier ; c'est ce qui le soutient ; dans l'alliance qu'il a établie avec les groupes « durs » idéologiques du Front, l'apport de Daniel Ortega est son enracinement populaire. Les autres n'en ont aucun et Tomas Borge l'a complètement perdu. De sorte que dans cette affaire, si Daniel Ortega retire son capital, les autres ne valent plus rien.


El Pais, 24 décembre 1994


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