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Le sandinsime à vau-l'eau

Par Michelle d'Hospital et Michel Picquart

Depuis son deuxième congrès, le Front sandiniste de libération nationale s'enlise dans la crise. Le départ annoncé de Sergio Ramirez et de ses proches a été suivi par des démissions fracassantes de certains cadres historiques du sandinisme, dont celle du père Ernesto Cardenal. Le point sur une crise annoncée et sur la réaction de certains militants de la base et du sommet.

Un an après un précédent voyage à Managua, on n'est pas trop dépaysé. Pas trop de changements quant aux apparences, c'est-à-dire qu'il y a de nouveaux restaurants, des stations-services gigantesques, de nouveaux centres commerciaux avec tous les produits d'importation de luxe et puis toujours la même pauvreté dans les rues. La crise économique bat son plein avec peu d'espoir dans l'immédiat pour la population, surtout avec des partis politiques qui ne semblent pas pressés de faire leurs propositions économiques.

Le FSLN en crise

Ce qui peut frapper, c'est la crise politique et la détérioration de la situation au sein du FSLN. La division est maintenant consommée avec la formation en tant que parti politique indépendant du Mouvement de rénovation sandiniste (MRS), avec à sa tête en particulier, Sergio Ramirez et Dora Maria Telliez (présidente du groupe sandiniste à l'Assemblée nationale). Beaucoup de militants, de dirigeants et de personnes de grande qualité se sont retirés du Front: Ernesto Cardenal, Gioconda Belli, Fernando Cardenal, Sergio Ramirez et on attend le départ de Henry Ruiz, Luis Carrion et Victor Tirado.

La déception est grande parmi les militants de base. Lors des élections des nouveaux représentants locaux du FSLN, dans la plupart des bureaux de vote il n'y avait qu'un seul candidat. Des militants proposant de faire une assemblée pour pouvoir en désigner d'autres se sont vus refuser cette proposition et ne sont donc pas allés voter. Une partie de la base a boycotté ces élections. De même le refus de payer les cotisations (4 % du salaire) à des délégués de zone qui ont bénéficié de la piñata et qui n'ont jamais rendu compte de l'argent récupéré par les cotisations, est fréquent.

«Barricada» dans la ligne de mire

La crise touche aussi les organes d'information du Front. Ainsi les principaux journalistes de Barricada ont été expulsés et son directeur remplacé par Tomas Borge. Un des expulsés explique qu'ils vont peut être créer un nouveau journal, mais que c'est très difficile car il y a déjà quatre quotidiens, et il leur faut trouver des financements.

Dans Barricada, le débat est devenu une denrée rare, cédant la place aux accusations personnelles, à tous les scandales et faits de société qui recouvrent la une. La question politique et les débats sont absents. Unité à tout prix.

Cette crise n'est pas nouvelle et avait commencé quelques mois après la défaite électorale de 1990. Elle s'est traduite par des affrontements restés dans des limites acceptables pendant un temps puis s'est envenimée avec en particulier la discussion à l'Assemblée nationale des réformes constitutionnelles.

Orthodoxes contre rénovateurs

Le groupe sandiniste à l'Assemblée nationale est dominé par les réno-vateurs;l'Assemblée sandiniste et la direction nationale du FSLN par les orthodoxes. Il y a eu beaucoup d'affrontements entre les deux groupes. Daniel Ortega s'est rendu à l'Assemblée nationale après le départ de Sergio Ramirez (fin août 1994) pour la désignation du président du groupe parlementaire afin que Dora Maria Telliez ne soit pas élue. Daniel Ortega a été mis en minorité et n'a plus remis les pieds à l'Assemblée depuis cet échec.

Le problème est l'opposition de Daniel Ortega et Antonio Lacayo aux réformes constitutionnelles, sur la non réelligibilité d'un ancien président ou d'un mem-bre de sa famille. L'argument des rénovateurs et d'autres est d'éviter les dynasties familiales. Ces réformes enlèvent aussi beaucoup de pouvoir à l'exécutif et renforcent le pouvoir législatif. Point sur lequel ni Ortega, ni Lacayo, ni Aleman ne sont d'accord.

La popularité de ce dernier n'arrête d'ailleurs pas de monter. Même au niveau des militants sandinistes, tout se passe comme s'ils avaient déjà perdu.

En décembre et janvier, se préparaient les élections du nouveau président de l'Assemblée nationale, Luis Humberto Guzman (Union démocrate chrétienne) réélu contre Myriam Argüello (Alliance populaire conservatrice). Les orthodoxes du FSLN, Aleman et Lacayo soutenaient cette dernière et les rénovateurs et les centristes le premier. La différence entre les deux n'est pas forcément évidente, ils déclarent qu'ils sont pour les réformes constitutionnelles, la nuance résidant peut-être dans le contenu de ces réformes.

Toujours est-il qu'elles vont vraisemblablement avoir lieu et qu'un des prochains grands débats de l'Assemblée nationale va être la loi sur la propriété qui touchera en particulier, les bénéficiaires de la piñata entre autres Daniel Ortega, Tomas Borge, Monica Balto-dano, Bayardo Arce, ainsi que des cadres et officiers de l'armée et du ministère de l'Intérieur, qui se sont approprié terres, maisons et argent.

Pour la bourgeoisie sandiniste et les classes moyennes, Sergio Ramirez peut être un bon candidat. Mais, au niveau populaire il n'a pas le charisme de Daniel Ortega. Par contre les gens ont compris qui était Daniel Ortega et celui-ci a perdu toute crédibilité. Les gens sont perdus, ils ne croient plus dans le Front sandiniste et l'on peut être inquiet. Actuellement, il n'y a aucun projet politique, tout le monde est dans l'attente.

El Chacal /Sandino même combat ?

Par rapport aux gens en armes, la situation a beaucoup changé en un an. Une grande offensive de l'armée a réussi à protéger les producteurs et à éliminer Nortiel, qui était à la tête d'un groupe de 350 hommes. Beaucoup de recontras ont déserté. Rappelons que Nortiel faisait partie du fameux groupe 3-80 dont le dirigeant principal était El Chacal, qui avait pris en otage un groupe de députés sandinistes en août 1993. El Chacal et 500 de ses hommes ont remis les armes au mois d'avril 1994.

Son frère «Chacalin», Salvador Talavera, assistant au ministère de l'Intérieur a déclaré que les accords de démobilisation leur avaient permis d'obtenir 3 200 hectares de terres près de Quilali pour leurs hommes. Avec des prêts bancaires, ils ont acheté ces terres, le gouvernement s'est engagé à en payer 50 % et eux payant les 50 % restants sur 10 ans. Ils ont organisé ces terres en coopératives agricoles, et se revendiquent de Sandino. Celui-ci, dans les dernières années de sa vie, avait organisé des coopératives agricoles dans la même région, près de Wiwili, et ils veulent mener à bien ce que Sandino n'avait pas réussi à faire.

Ce qui est important, est qu'ils sont restés implantés dans leur zone d'action, là où ils ont une base sociale paysanne très importante. Ils veulent créer de nouveaux villages, construire des logements (l'OEA, la CEE pour 6 millions de dollars, la France pour 30 logements dans une coopérative de café, financent ces projets), des centres de santé, former des médecins, créer des écoles...

Quand on lui demande la différence avec le projet sandiniste, il répond que les coopératives dans le Nord avaient été imposées par les sandinistes, qu'il s'agissait essentiellement de fermes d'Etat, et qu'il n'y avait pas d'autres alternatives. Ils sont conscients que la petite paysannerie veut des terres individuelles. Ce projet est donc provisoire, ils espèrent dans l'avenir que chacun aura sa petite propriété. Les coopératives tiennent depuis cinq mois, pour combien de temps ? Comme cela fonctionne bien, beaucoup de recontras du groupe Nortiel viennent à Quilali pour demander à s'intégrer, avoir un lopin de terre et entrer dans les coopératives.

Ironie de l'histoire, le rêve de Sandino pourrait-il voir le jour avec ceux qui ont combattu le Front sandiniste ?


Encadré :

Pourquoi j'ai rompu (entrevue avec Ernesto Cardenal)

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