Après Oventic, chacun est parti dans l'Aguascalientes où se déroulait l'atelier qu'il avait choisi. Dans chaque atelier, plusieurs séances fonctionnaient en parallèle, qui traitaient de différents sous-thèmes. Pendant plusieurs jours, on s'est ainsi réuni du matin au soir, studieux, par groupes d'une trentaine de personnes. Avec, silencieuse, la présence des commandants zapatistes locaux et celle, dans les réunions plénières, des communautés indigènes. Une présence qui nous disait concrètement que le changement par la lutte est possible ; qui apportait un déni au fatalisme et à l'idéologie de la fin de l'Histoire. La parole des zapatistes, nous la connaissions à travers leurs communiqués. Maintenant, c'était à nous de parler (et de nous écouter). Plus tard, sans précipitation, nos réflexions se poursuivraient, dans la réaffirmation et l'évolution de leur pensée et des nôtres. De cette façon, nous continuerions ensemble.
A Roberto Barrios, on a traité de la question économique, « une histoire d'horreurs ». On y a défini le néo-libéralisme comme l'étape actuelle du capitalisme, qui, au travers de la mondialisation, soumet tout culture, éducation, santé, consommation à la recherche sans fin du profit. On y a raconté comment les puissants et les gouvernements néo-libéraux cherchent à réduire les contraintes nationales pour la libre circulation des marchandises en fermant les frontières aux personnes. On est arrivé à la conclusion que seules des réponses communautaires pouvaient aller à l'encontre de l'atomisation des relations humaines résultant des stratégies néo-libérales, et permettre un développement solidaire.
A la Realidad, c'est de politique qu'on a discuté. La démocratie représentative a démontré ses limites ; il s'agit donc d'aller plus loin dans l'implication de la société civile et le contrôle de ses représentants. L'autonomie, la démocratie participative et le « commander en obéissant » repris de la lutte zapatiste pourraient être les nouveaux mécanismes d'une évolution de l'organisation sociale de l'humanité.
Il a été question de culture et de médias à Morelia, de droits des groupes opprimés peuples indigènes, femmes, personnes du troisième âge, minorités sexuelles et religieuses à Oventic, et d'un nouveau pacte social pour la reconnaissance de la pluralité des peuples et des cultures à la Garrucia. Un pacte d'égalité entre individus différents, fondé sur le respect de l'autre et l'éradication de la pauvreté et l'exclusion. Au Mexique par exemple, un tel pacte aurait à reconnaître la libre détermination et l'autonomie des peuples indigènes ainsi qu'à permettre des expressions politiques et juridiques fondées sur leur culture et cosmologie.
La clôture de la rencontre s'est faite à la Realidad. Tout le monde s'y est retrouvé pour écouter les conclusions des différents ateliers, assister aux conférences de presse, participer à des discussions informelles et aussi danser et chanter.
Mais le souffle de la rencontre ne s'est pas arrêté au Chiapas. D'abord, parce que la proposition des zapatistes d'une nouvelle rencontre, l'année prochaine en Europe, a été approuvée. Ensuite, et surtout, parce qu'il y a eu accord général pour la proposition de création d'un « réseau intercontinental de résistance contre le néo-libéralisme et pour l'humanité ».
Un réseau collectif de toutes les luttes et résistances particulières dans le monde qui sera le moyen par lequel ces différentes résistances et luttes se soutiendront les unes les autres. Ce réseau ne sera pas une structure organisatrice, pas plus qu'un centre de direction ou de décision. Pas de commandement central ni de hiérarchies. Le réseau, « c'est nous tous qui résistons ». Pour que le plus grand nombre puisse se prononcer sur ces propositions, une consultation sera organisée la première quinzaine de décembre prochain dans chaque pays.