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Le poids économique des forces armées

Article paru dans « Panorama Centroamericano »

La pénétration des forces armées dans le monde de la production économique est à analyser à partir de la situation nouvelle dans laquelle se trouve cette région. La perte du pouvoir militaire est de plus en plus compensée par la conquête d'un pouvoir économique. Les forces armées, à l'instar de groupes économiques puissants, gèrent leurs propres entreprises, planifient leurs investissements, maîtrisent les instruments de communication. Le retour à la société civile pourrait bien être partiellement menacé par le fort pouvoir économique que détiendraient les forces armées. Il importe cependant de signaler la situation particulière de deux pays d'Amérique centrale, celle du Costa Rica (qui n'a pas d'armée depuis cinquante ans) et celle du Panama (qui, depuis 1989, a procédé à de profonds changements de son appareil militaire, en lien avec les Etats-Unis). La situation de ces deux pays n'est pas traitée dans cet article.

L'insertion des forces armées dans le schéma économique des pays centraméricains est une tendance initiée dans les années quatre-vingt, qui s'est intensifiée dans les cinq dernières années alors que les armées étaient confrontées à des coupes des budgets de la Défense.

L'ingérence de l'armée dans la sphère économique a suscité des réactions hostiles de la part des chefs d'entreprises, des organisations politiques, syndicales et de défense des Droits de l'homme.

La Commission des droits de l'homme d'Amérique centrale (Codehuca) a signalé que, dans le cadre de l'après-guerre, les armées cherchent à occuper de nouveaux espaces au sein de la société, afin de se transformer en institutions supranationales et de s'octroyer de nouveaux quotas de pouvoir. Adolfo Facusse, président du Conseil hondurien de l'entreprise privée (Cohep) a dénoncé une concurrence déloyale de la part des militaires engagés dans une activité économique, puisque ceux-ci ne s'acquittent pas du paiement des services publics.

A ces dénonciations s'ajoute la demande de divers secteurs de réduire le budget de la Défense et d'élargir ceux de l'éducation et de la santé. Cependant, selon les données de la Fondation Arias pour la paix, la réduction des effectifs des forces armées n'a pas signifié une baisse des dépenses de ces institutions, ni une restructuration des dépenses publiques. Au Nicaragua, l'armée a réduit ses effectifs en 1990, passant de 95 000 à 15 000 hommes. Tandis qu'au Salvador on est passé de 60 000 à 34 000. Au même moment, les dépenses de l'institution militaire ont augmenté de 1992 à 1994, de 36,5 à 37,7 millions de dollars au Nicaragua et de 100 à 141 millions de dollars au Salvador. Certains analystes estiment que les armées cherchent à anticiper de possibles réductions des budgets de défense. A l'heure actuelle, elles destineraient l'excédent de budget obtenu par la réduction des effectifs à de nouveaux investissements, sensés assurer leur implantation dans le monde économique et péréniser ainsi leur pouvoir.

Investir pour s'autofinancer : une théorie controversée

Plusieurs chefs militaires défendent ouvertement la théorie selon laquelle l'armée doit investir dans des entreprises à caractère économique. Au Nicaragua, le général Humberto Ortega, dernier chef de l'Armée populaire sandiniste, a déclaré : « sans s'éloigner de sa mission qui consiste à assurer la défense de la souveraineté et l'ordre interne au pays, l'armée doit se mettre à participer aux règles de l'économie de libre marché ». Le géneral Mario Enriquez, ministre de la Défense du Guatemala a, de son côté, dénoncé comme « une des illusions des forces armées, l'idée de l'autofinancement de l'institution militaire à travers les diverses activités qu'elle possède ». Le Honduras est le pays où le double rôle économique et militaire des forces armées a eu le plus grand impact sur l'économie nationale. L'institut de prévision militaire (IPM), qui coordonne les entreprises militaires, est devenu en quatre ans un des cinq groupes économiques les plus importants du pays ; actuellement il détient des participations dans plus de douze entreprises et possède un patrimoine estimé à plus de 120 millions de dollars. En accord avec les chefs militaires, « les entreprises ne sont pas la propriété de l'armée mais de l'Institut qui investit ses fonds dans des activités productives et qui peuvent rapporter des bénéfices à ses cotisants ».

Une « OPA » sur les privatisations

La privatisation des biens de l'Etat a également contribué à l'augmentation des actifs des institutions militaires. L'industrie hondurienne du ciment (Incehsa) a été privatisée par le gouvernement et achetée par l'IPM en août 1991 pour vingt millions de dollars. L'armée du Nicaragua, avec la plus grande entreprise de ferronerie du pays ; celle du Guatemala, avec la plus importante fabrique de munitions ; ainsi que celle du Honduras, avec le contrôle d'entreprises stratégiques de communications et de production d'électricité, illustrent la tendance de l'armée vers les entreprises et les succès qu'elle a obtenu en relativement peu d'années dans ce secteur. Cette incursion des militaires dans l'économie mérite une étude minutieuse. En effet, elle transforme l'armée en un acteur économique bien particulier, qui peut compter sur son pouvoir politique séculaire et sur l'avantage que donnent les armes.

Article paru dans « Panorama Centroamericano » (revue publiée par l'institut centraméricain d'études politiques, Guatemala), juillet 1995. Traduction DIAL.

Intertitres de la rédaction de « Volcans ».


Encadré

Principales entreprises appartenant officiellement aux forces armées
Volcans, numéro 22

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