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Les militaires dans les casernes ?

Par Michel Picquart et Mariana Sanchez

Depuis l'arrivée du président Reina, l'armée hondurienne a dû céder une part de ses prérogatives au gouvernement civil. Mais les privilèges des officiers demeurent quasiment intacts, ainsi que l'arsenal répressif.

« Dites-nous, une bonne fois pour toutes, monsieur le Président, si vous avez l'intention de gouverner sans les forces armées. » C'est en ces termes que le colonel Mario Raul Hung Pacheco, nouveau chef de l'armée hondurienne, interpelait le nouvel élu, en août 1994, six mois après son investiture. Le nouveau président, Carlos Roberto Reina, un vétéran de la politique qui s'était fait remarquer dans la lutte pour les droits de l'homme, a fait, dès le début de son mandat, des déclarations s'engageant à entreprendre la démilitarisation de la société. Les militaires l'accusèrent alors d'avoir « brisé un pacte », celui qui leur permettait de garder le contrôle de certaines institutions de l'Etat.

Depuis que l'armée avait rendu le gouvernement aux civils, en janvier 1982, après presque vingt ans de dictature, tous les présidents avaient respecté cet accord tacite avec l'état-major. Les forces armées prétendaient également devoir garder le contrôle de certaines institutions pour des « raisons de sécurité nationale », en particulier l'Entreprise hondurienne de télécommunications, la direction de l'Immigration, la marine marchande et l'Institut géographique national. Avec l'avènement de Reina, ces institutions passèrent sous contrôle civil.

L'armée défend ses privilèges

Le Congrès national avait approuvé à l'unanimité un amendement à la Constitution qui supprimait le service militaire obligatoire, haï par tous les Honduriens pour les parties de chasse dans les rues et les mauvais traitements subis par les appelés dans les casernes. En juillet 1995, le gouvernement décrétait la disparition du corps de la police secrète, la Direction nationale d'investigation (DNI) impliquée dans les disparitions d'opposants politiques (184 entre 1979 et 1989). Le vent semblait donc commencer à tourner.

En août 1995, les militaires, qui craignaient une diminution du budget de la Défense, tentaient de faire pression sur la population en lançant les chars dans les rues pour soutenir dix officiers accusés par les tribunaux dans des cas de disparitions. Les chefs militaires finirent par accepter le jugement, sans pour autant arrêter les coupables. Ils obtinrent une augmentation de leur budget. Par l'intermédiaire de l'Institut de prévision militaire (IPM), les gradés contrôlent des secteurs importants et rivalisent avec le capital privé. Ils possèdent une des plus grandes banques du pays, une compagnie d'assurances, des biens immobiliers, des radios, et même un cimetière privé ! Si les structures qui sont à la base du pouvoir militaire n'ont pas bougé, les pas entrepris par le gouvernement dans le sens d'une démilitarisation ont continué.

En septembre 1995, le Congrès national a approuvé un autre amendement à la Constitution visant à transférer à long terme au pouvoir civil la Force de sécurité publique (Fusep), qui, depuis le coup d'Etat de 1963, est une des quatre branches des forces armées. En mars 1996, des inconnus firent exploser une bombe dans la résidence du président. Officiellement, les auteurs ne sont pas connus de la police, même si pour le Comité de défense des droits de l'homme au Honduras (Codeh) la responsabilité des militaires est évidente.

La nomination de civils à la tête d'institutions sous contrôle de l'armée, la suppression de la conscription et les projets de démantèlement de l'appareil répressif avaient été dénoncés par le colonel Pacheco. Il est devenu, le 27 janvier 1996, le chef des forces armées, et a fait allégeance à la Constitution... Qui a remporté le premier round du bras de fer qui oppose une partie de la bourgeoisie hondurienne aux secteurs de l'armée les plus attachés à leur pouvoir ? La partie se poursuit...


Volcans, numéro 22

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