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Décidons ensemble

Interview du Commandant Raul

Surgissant à la faveur de la nuit, pour rencontrer des journalistes de la télévision espagnole, le commandant Raul, accompagné des commandants Pablo et Ismael, membres du Comité clandestin révolutionnaire indigène (CCRI), ont accepté de répondre aux questions de « Volcans ».

Comment voyez-vous le nouveau dialogue de San Andrés ?

Commandant Raul : Eh bien, dans ce dialogue je pense qu'il n'y aura aucun changement dans notre attitude : nos demandes sont clairement formulées dans les onze points. Nous ne pouvons pas dire que ces points soient traités dans le dialogue. Nous espérons qu'à la table de négociation, le gouvernement réponde de façon plus claire. Jusqu'à maintenant, il a surtout essayé de gagner du temps, de façon à poursuivre sa militarisation des villages. Dans les dialogues précédents, ils ont à chaque fois rejeté les propositions que nous avons émises. Quand ils nous demandent de préciser certains points pour une date donnée, et quand nous leur présentons ce que nous voulons, ils le rejettent. Nous pensons que ceci va prendre beaucoup de temps et je crois que la solution de nos problèmes n'est pas pour bientôt. Car ces problèmes sont communs à tous les Mexicains. Nous n'exigeons pas leur solution seulement pour les Chiapanèques ou pour l'EZLN : nous souffrons tous de la même maladie.

Nous voyons que le gouvernement essaie de nous contrôler avec des choses qu'il essaie de nous donner. Mais nous allons voir s'il cherche vraiment à construire une paix fondée sur la justice et s'il va vraiment commencer à donner ce dont nous avons réellement besoin. Ce n'est pas avec des subventions, des bonbons que l'on va apaiser durablement notre faim.

Pensez-vous que le gouvernement parvient à diviser vos bases de soutien ?

Je ne crois pas, parce que ces familles n'appartiennent plus aux villages zapatistes. Ceux qui ont suivi ce chemin sont partis. C'est au moment où les communautés zapatistes sont sorties se réfugier, lors de l'offensive de février dernier, que ces familles ont opté pour rester dans l'ARIC officielle. La majorité des communautés qui sont dans la forêt Lacandone appartiennent à l'EZLN. Et l'EZLN sait parfaitement pourquoi elle lutte. Elle a clairement à l'esprit où elle veut arriver. Alors nous pensons que les communautés qui sont restées sont conscientes de leur lutte.

Bien qu'une partie de la société mexicaine, la société civile, se soit mobilisée, de larges secteurs de la population ne se sont pas manifestés. Comment évaluez-vous la réponse des Mexicains à l'appel des zapatistes ?

Au départ nous avons constaté qu'il y avait beaucoup de mouvement et que tous nous appuyaient. Pour nous rendre compte si les Mexicains sentent que notre lutte est aussi la leur, nous avons lancé la consultation. Si la réponse est favorable, nous saurons si c'est le cas.

Quels sont pour vous les critères pour que vous puissiez considérer que la consultation est un succès ?

Nous avons besoin de créer une unité et de construire une force plus grande que celle qui existait auparavant. Ce que nous attendons de la consultation, c'est de voir ce que nous sommes réellement.

Dans la quatrième question, vous évoquez la transformation de l'EZLN en force politique neuve et indépendante. Quelle forme prendrait-elle ?

Cette force politique serait intégrée par tous ceux qui vont participer au référendum. Les milliers ou les millions de Mexicains qui répondront sont ceux qui formeront et définiront le cap à prendre, mais dans le cadre des onze points. Il s'agit de poursuivre dans ce cadre.

Vous semblez appeler à quelque chose de similaire à la Convention nationale démocratique (CND). Quelles différences y aurait-il entre cette dernière et cette force politique nouvelle ?

La CND a été quelque chose de très important parce qu'elle a démontré en son temps qui était disposé à ce que le chemin qui a surgi de la lutte des zapatistes soit aussi le leur. C'est un premier pas. Nous pensons qu'avec la consultation, cela va être beaucoup plus large que la CND, parce que beaucoup de partis politiques ont accouru à cette dernière, des gens s'en sont servi pour se faire valoir puis en sont sortis pour accepter des postes gouvernementaux. Mais plus maintenant, je crois que ceux qui vont participer et décider au sein de la consultation sont sincères et le resteront.

Vous posez, dans la cinquième question, l'éventualité de la création d'une formation politique en association avec d'autres forces. A quelles organisations pensez-vous vous unir ?

A des forces appartenant à la société civile, pas aux partis politiques, car ceux-là sont très différents. Dans un parti, les dirigeants disent ce que doivent faire les gens, et ne leur laissent pas d'initiative. La consultation se fait en commun, tous les points qui doivent être traités se discutent collectivement, et les accords qui surgiront seront respectés, pour le meilleur ou pour le pire. C'est positif : on ne va pas accuser une personne d'avoir dit ceci ou cela et que le résultat a été mauvais. Voilà ce que nous voulons qu'il arrive.

Disposez-vous de l'autorité morale ou politique pour négocier vos revendications nationales ?

C'est un accord qui doit être pris entre tous. Ceux qui s'en chargeront, qui assumeront le travail, devront s'engager à supporter toute critique. Ceux qui s'y engageront devront être des personnes conscientes, qui ne se proposent pas pour gagner de l'argent, pour recevoir un salaire.

En ce moment nous sommes tous pareils, sans ressources économiques. Nous voulons qu'ils soient comme nous : nous, quoi qu'il arrive, faisons le travail, non parce que l'on nous paye mais parce que nous sommes disposés à mener cette lutte, nous sommes conscients que nous avons tous les mêmes besoins. Voilà ce que nous voulons.


Propos recueillis par Jose Esteban

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