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Le Guatemala, ses volcans, ses Indiens...

Par Hugues Cayzac

« Pays de l'éternel printemps », ainsi l'appellent ses habitants, ainsi le serinent les dépliants touristiques. Que vantent-ils du Guatemala, ces prospectus aguicheurs ? De magnifiques paysages, des volcans, des hauts plateaux souvent le nez dans la brume, les ruines mayas de Tikal, au coeur de la forêt vierge du Peten, le lac Atitlan, le lac de Solola... Et les Indiens aux rites si étranges et aux habits tellement colorés.

Pourtant, l'exotisme guatémaltèque est fortement déconseillé aux Nord-Américains, pour qui ce pays est à portée de main, pas si loin et pas cher du tout. Il est compréhensible que le conflit armé qui agite le pays depuis trente ans ne soit pas forcément du goût de tout un chacun cherchant repos et oubli du stress de son chez lui. Des violations des droits de l'homme persistantes par les autorités, une actualité toute proche montre le danger du tourisme au Guatemala. Des gringos voleurs d'enfants dont sont revendus des organes (trafic où sont impliqués des officiers militaires) aux assassinats de citoyens nord-américains sans coupable (impunité où sont impliqués des officiers militaires), la colère de Bill Clinton a fini - non par hasard, sûrement - par éclater. Et pourtant...

Et pourtant, le tourisme était, en 1993, la deuxième source de devises du Guatemala. Il est même à prévoir qu'il devienne la première cette année. Il précéderait ainsi le café, la canne à sucre, la banane et le coton, produits de base d'une économie reposant fondamentalement sur l'agro-exportation. De bonnes âmes notent ce signe comme précurseur de la diversification tant attendue d'un système aux aspects encore fortement féodaux, oligarchiques, au mieux proto-capitalistes. Mais on est en droit de se poser la question : à quels nouveaux riches donneront naissance ces nouvelles ressources, ces nouvelles richesses ?

De nécessaires investissements

Nous pouvons, ici, nous interroger à propos de l'impact de cet essor imminent et prodigieux du tourisme étranger (principalement nord-américain, puis européen) au Guatemala sur la majorité de la population, à savoir les communautés indiennes.

Peu de contrées y offrent un cadre spontané au tourisme confortable tel que le conçoit la majeure partie des visiteurs. Aussi est-il nécessaire de procéder à des aménagements, de mettre en place des infrastructures. Autant d'investissements qui réclament bailleurs et crédits. Pour l'heure, les institutions guatémaltèques chargées de cette mise en perspective du tourisme n'ont jamais envisagé, par exemple, que des crédits soient accordés aux communautés afin de leur permettre d'envisager un développement local ou régional.

Capitalisme indigène ?

Rien n'interdit d'imaginer que quelques Indiens ­ qui en auraient les moyens ­ se lancent dans cette nouvelle industrie, dont une des mamelles est l'artisanat. Il est de faux prophètes, essentiellement pour le moment dans des universités européennes, faisant déjà la réclame du capitalisme indien de demain. On a quelque peine à discerner les différences bienfaitrices entre ce qui serait un capitalisme ladino, métis, et un capitalisme indien. Mais il reste, en revanche, vrai que ce développement profond et rapide du tourisme ne peut qu'avoir des répercussions profondes sur le monde indien guatémaltèque.

Le processus ne serait a priori guère original, à l'instar de celui d'autres régions du globe occupées par des populations autochtones progressivement dévorées par la curiosité de gens débarqués par de fins marchands. Il est, en effet, à craindre que l'Indien reste purement et simplement un objet de curiosité. Un prix Nobel de la paix, sûrement pour être Indienne quiché, l'aura dit : « Les étrangers s'exclament devant nos habits : Oh, qu'ils sont beaux !'' Mais ils ne songent même pas à nous, nous qui sommes à l'intérieur. » Ou bien, celui qui voudra être acteur de cette nouvelle croissance, s'inscrira, s'intégrera dans le capitalisme ambiant. Mais trouvera-t-il, dans cette démarche, la possibilité d'un juste équilibre entre les spécificités de sa culture et les exigences du marché ? En résumé : un tourisme intelligent ne pourrait-il pas, à travers sa gestion par les intéressés mêmes, autoriser un développement local qui n'entraîne pas la « ladinisation » et donc la fragilisation des communautés ?

Un échange démagogique

On connaît par ailleurs un des péchés du tourisme commun : sa définition unilatérale. Pourtant, plus que jamais, la montée des intolérances et la multiplication des conflits à travers le monde rappellent l'importance du rapprochement des cultures. On est maintenant loin du temps où il s'agissait d'isoler des dictatures et que, maladroitement, se retrouvaient ainsi isolées les populations victimes. Ce qui facilita peut-être finalement la tâche de certains généraux génocides. Le raciste belliqueux est avant tout un ignorant, d'où qu'il vienne. Il ne faut pas l'oublier. Mais on a également appris que l'information des uns sur les autres ne suffisait pas. Et que, ironie du sort, les premiers avaient plus le pouvoir de s'informer sur les seconds qu'inversement... Ainsi découvre-t-on aujourd'hui les vertus de l'échange.

Mais l'échange dans le tourisme n'est-il pas aussi démagogique que l'échange dans l'humanitaire ? Ne peut-on essayer d'envisager la rencontre avec un pays et ses habitants à partir des demandes de ces derniers ? Au Guatemala, quelques tentatives (1), mineures certes, sont menées dans ce sens. Il s'agit de prendre connaissance des réalités profondes du pays, qui souvent ne sont pas de tout confort, c'est vrai. Pour les communautés indiennes qui s'engagent dans cette forme d'échange, il s'agit de s'ouvrir vers l'extérieur, à leur façon, sans contraintes. En toute liberté.


(1) Vous pouvez, à ce sujet, contacter le Collectif Guatemala

67,rue de l'Avre - 75015 Paris


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