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L'envers du paradis

Par Laurent Beaulieu

La République dominicaine est devenue en quelques années la première destination touristique dans les Caraïbes. Les voyageurs sont de plus en plus nombreux à choisir les plages de ce pays, pour le moment moins chères qu'ailleurs. Mais la médaille a son revers.

En 1985, la dévaluation du peso a permis un véritable boom touristique en République dominicaine. Entre 1985 et 1989, 12 000 chambres d'hôtel ont été construites, et le nombre des visiteurs a presque doublé, atteignant 1 400 000. Aujourd'hui, la République dominicaine possède environ 25 000 chambres. Elle a la plus grande capacité hôtelière des Caraïbes.

La plupart des touristes vont en République dominicaine, comme ailleurs dans les Caraïbes, à la recherche du soleil, de la plage et d'un brin d'exotisme. Mais il y a deux sortes de tourisme. En venant de Santo Domingo, on passe près de la Casa del Campo, dans la commune de la Romana. Là, on paye jusqu'à 600 dollars par jour pour jouer au golf, au polo et disposer d'une plage interdite aux autochtones. De riches Nord-américains peuvent faire atterrir leurs avions sur un aérodrome privé. Mais, plus loin, en longeant la côte sud-est, on quitte le tourisme de luxe pour arriver dans la zone du tourisme de masse. Des vols charters amènent des touristes britanniques par centaines dans de grands ensembles, tels que le Bavaro Beach, qui possède un millier de chambres. Des séjours très bon marché peuvent être proposés aux touristes américains et européens parce que les salaires dominicains sont très bas. Dans le tourisme, les syndicats ne sont pas les bienvenus, et bien peu d'employés gagnent le salaire minimum mensuel. Par ailleurs, l'État dominicain a fait des offres mirifiques aux investisseurs étrangers. Ainsi, ils ont été exemptés pendant dix ans du paiement de l'impôt sur les bénéfices et de nombreuses taxes. Des compagnies américaines ont pu acquérir des hôtels de grand luxe pour une bouchée de pain.

Selon une agence privée, le développement du tourisme aurait permis de créer plus de 20 000 emplois dans ce secteur, et 70 000 dans la construction de meubles, les transports et l'alimentation. Mais tout le monde n'est pas aussi enthousiaste sur la contribution du tourisme au développement du pays.

Tourisme sexuel

Le développement de la prostitution et l'extension dramatique de l'épidémie de SIDA ont accompagné la croissance de l'industrie touristique. Des dépliants touristiques ont présenté ce pays comme un « paradis sexuel ». Certaines plages se sont spécialisées dans la prostitution. La République dominicaine est devenue une des destinations favorites du tourisme sexuel. Ce phénomène a été mis en évidence lors du « Premier congrès sur la situation des travailleuses sexuelles dominicaines », qui s'est tenu au mois de mai 1995 à Santo Domingo. La prostitution touche aussi bien les femmes, que les hommes (les ``sanky panky'', aux cheveux décolorés par le soleil), et les enfants. Des travailleurs sociaux ont rapporté que la prostitution infantile était devenue de plus en plus courante, et que ``certains touristes recherchent des fillettes vierges pour éviter le SIDA''. »

Les dépenses de l'État en matière d'infrastructure se sont concentrées sur les zones touristiques au détriment des services fournis aux populations pauvres. Les stations balnéaires destinées aux touristes forment des enclaves au sein de zones déprimées. Elles possèdent souvent leur propre système d'alimentation en électricité et en eau. Une grande partie des bénéfices générés par l'industrie du tourisme est rapatriée par les opérateurs étrangers.

L'argent investi par de riches Dominicains dans la construction d'hôtels provient, pour une bonne part, du recyclage de l'argent de la drogue. Certains complexes hôteliers ne sont séparés que par une clôture des champs de canne où triment comme des esclaves des braceros haïtiens. Une association québécoise de défense des travailleurs haïtiens en République dominicaine a d'ailleurs mené une campagne en faveur du boycott des plages dominicaines.

En outre, le développement de ce type d'industrie touristique a de graves conséquences sur l'environnement. C'est ainsi que des mangroves et des forêts ont été détruites afin de laisser la place à des ensembles hôteliers.

Selon la Fédération dominicaine des associations écologistes, rien que pour construire un seul terrain de golf à Punta Cana, environ un million d'arbres doivent être abattus. Des lagunes ont été empoisonnées afin d'anéantir les moustiques. Les plages se polluent rapidement. Et, du fait des destructions écologiques, il se pourrait que, dans quelques années, les touristes soient moins nombreux à venir qu'aujourd'hui. D'autant plus que la République dominicaine se voit maintenant fortement concurrencée par Cuba.


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