Le 1er janvier 1994, à San Cristobal de Las Casas, des touristes nord-américains ou européens ont vu de leurs propres yeux, ont pu photographier ou filmer, la misère et la révolte indiennes éclatant à la face du monde. mais, parmi tous ceux qui, au cours des mois et des années précédents, se sont extasiés devant les costumes et les coutumes à San Cristobal et dans les communautés alentour, combien ont vu dans la population ainsi regardée autre chose que des images pittoresques ? Combien y ont remarqué autre chose qu'un temps définitivement arrêté sur des traditions folkloriques ?
Aujourd'hui, le Chiapas n'est plus une destination touristique. Les seuls voyageurs à s'y rendre sont ceux qui veulent connaître et comprendre ce qui s'y passe. S'agit-il encore de touristes ?
Si les écrans de télévision du monde entier ont montré les premières images de la révolution zapatiste, eux qui auparavant parlaient si peu et si mal du Mexique, n'est-ce pas, entre autres, parce que cela se passait, à une date synonyme de fête, dans une ville synonyme de tourisme ? Rencontre incongrue de la distraction et du tragique...
Pour la population du Chiapas, comme pour celle de l'ensemble du Mexique, le tourisme est tout autant synonyme de développement véritable que peut l'être l'Alena. Il en est de même pour les autres pays de la région. Il symbolise en général tout ce que peut être une croissance extravertie, inégalitaire, souvent destructrice. Mais l'économie n'est pas seule en cause : le tourisme concerne aussi l'environnement, la culture, les modes de vie et d'organisation sociale, toutes choses qu'on évoque à propos du développement.
Or quelles possibilités reste-il à des pays étranglés par la dette et la crise économique de contrôler l'évolution de leur développement touristique ? De refuser un tourisme prédateur qui les laisserait exsangues une fois les modes passées ?