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Au revoir Geneviève

Par Claudine Peyrotte

Geneviève est morte, chez elle, sans bruit. Et j'ai depuis une image : deux yeux verts, pailletés de jaune et un léger sourire.

Depuis quelques années, on ne se voyait plus guère : des rencontres rapides dans quelques manifestations, des tentatives, avortées jusqu'au mois de novembre, pour se revoir plus longuement.

Nos routes s'étaient croisées pour la première fois en septembre 1986, à la réunion de bilan des brigades, au CSN. Cette année-là, il s'agissait de construire une école dans l'asentamiento de San Lucas. Nos brigades s'y étaient succédé, dans de plus ou moins bonnes conditions et les « juilletistes », dont j'étais, avaient plein de questions à poser à ceux qui les avaient remplacés.

Des trois semaines passées à San Lucas, j'avais fait un compte rendu sur la vie à l'asentamiento. Pour qu'il devienne une brochure présentable par le comité, elle l'a tapé : c'était le point de départ d'une collaboration qui s'est faite le plus naturellement du monde, sans qu'on y ait réellement réfléchi, pas même après.

Parce que les brigades avaient été pour nous une expérience forte, parce qu'il nous semblait important que d'autres puissent la vivre, nous sommes allées donner un coup de main à la commission brigades. Et, très vite, sans que je sache très bien comment nous sommes devenues « la » commission brigades.

Geneviève n'aimait pas écrire, alors j'ai écrit. Geneviève parlait peu, quand je suis une bavarde invétérée, alors j'ai parlé. Mais elle était toujours là pour réfléchir, orienter, partager, relire... Ensemble on a relu les Bidochon et autres bandes dessinées pour trouver les images pour le futur Guide du brigadiste, on a taillé et verni des crayons pour les transformer en broches, on a numéroté des billets de tombola... Ensemble, on a râlé contre les « conseilleurs », toujours ailleurs quand il s'agissait de faire, on a piqué des colères face à l'incompréhension dont faisaient preuve les copains de Managua vis-à-vis des problèmes qu'on pouvait rencontrer ici, on a piqué des fous rires quand les choses devenaient trop surréalistes...

On s'est partagé les allers-retours à l'ambassade, pour récupérer les passeports des brigadistes, à l'agence de voyage, pour les billets, à l'aéroport, pour les départs et les excédents de bagages à négocier... Elle est toujours restée là, quand je partais en vacances, continuant tranquillement...

Est ce qu'on s'entendait bien ? On ne s'est jamais posé la question. Je crois que oui... On avait le même amour des choses sérieusement faites, des engagements tenus. Elle me paraissait forte et solide, de la race des gens sur qui on peut compter, qui mettent en accord leurs actes et leurs idées. J'aurais, au-delà de notre engagement pour le Nicaragua, voulu garder la copine...

Je suis partie la première du CSN : à l'aventure des premiers temps succédait la routine. Je n'ai pas supporté. Geneviève, plus politique, plus militante, est restée... Nos routes se sont écartées... Je suis revenue, deux ans plus tard, donner un coup de main. Happée par le syndicalisme, elle était partie...

Au-delà du Nicaragua, j'aurais voulu continuer à partager le reste : une façon de voir le monde, d'en parler et d'en rire, un goût pour la couture ou le tricot, si incongru dans les milieux militants... Cela ne s'est pas fait. Sans doute n'ai-je pas su le dire. Et Geneviève était indépendante, farouchement... et tellement absorbée par ses activités militantes où elle se donnait pleinement.

On m'a demandé d'écrire sur elle : je ne sais si je saurai le faire. Je sais si peu de choses et celles qui me reviennent sont de si peu d'importance. Elle aimait la chaleur, les plantes vertes, le dessin... Elle s'était mise à apprendre le vietnamien, à son dernier retour de voyage...

Je ne peux parler d'elle sans parler de moi, de ce qu'on a fait ensemble. Mais tout s'est fait si simplement, si facilement. Que peut-on dire de ce genre de collaboration ? Qu'elle était parfaite ? C'est un peu court... Si pour moi comme pour elle, la grande époque « Comité » était dépassée, j'ai beaucoup appris. Et c'est aussi parce qu'elle était là...

Avril 1995


Lors du décès de Geneviève, le Cosopac avait proposé à tous ceux qui l'avaient connue et appréciée, d'aider matériellement sa mère, Jeanine, et son frère, Bernard, dans ces circonstances difficiles. Nombreux sont ceux qui se sont associés à cette collecte et nous avons pu remettre 10 200 F à Jeanine et à Bernard. Tous deux remercient chaleureusement ceux qui ont témoigné ainsi leur solidarité et leur attachement à Geneviève.

Jeanine pensait répondre personnellement à tous ceux qui lui ont écrit mais il est des gestes difficiles, qui demandent du temps. C'est pourquoi nous vous transmettons à tous leurs très sincères remerciements.


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