Attention, ce site n'est qu'une sélection des archives de la revue Volcans.

Le site définitif et officiel de la revue Volcans.


Les opticiens populaires

Par EDES


Les populations les plus démunies du Salvador, paysans pauvres et habitants des bidonvilles, n'ont pas accès aux soins médicaux les plus élémentaires. Alors, quand un enfant ne suit pas en classe parce qu'il ne peut pas voir le tableau, ou que la vue d'une femme baisse à quarante ans, on fait avec. L'enfant ne saura pas lire et la femme ne pourra plus ni coudre ni trier les haricots ni lire les journaux.

Au Salvador, dans les communautés rurales et les paroisses, s'est développé tout un réseau de promoteurs de santé qui permet à tous de se soigner pour vivre mieux. Enfants du Salvador (EDES), présent dans ce pays depuis 1983, soutient ces actions de développement. L'association a participé à la formation de promoteurs de santé en optométrie (mesure de l'acuité visuelle) issus des communautés qui bénéficient des soins et a également animé des collectes de lunettes en France et soutenu les équipes en place au Salvador, notamment en salariant l'infirmière française qui anime les formations et les consultations. Début 1994, après trois ans d'expérience, huit équipes de promoteurs étaient formées, au moins 4 000 paires de lunettes avaient été distribuées.

Lors des consultations, le promoteur fait une mesure précise de l'acuité visuelle du patient. Dans les cas simples, petites myopies ou presbyties sont corrigées par les lunettes en stock ; mais c'est parfois plus compliqué, en cas de forte myopie ou de grande différence d'acuité visuelle entre les deux yeux : le promoteur fouille dans les paniers de lunettes, trouve une monture qui pourrait aller, mais les verres sont trop faible. Tant pis, il ne corrigera qu'un oeil. Enfin, il y a les cas insolubles tels les astigmates qui demandent des lunettes montées sur mesure dont les verres doivent être orientés avec précision.

Il faut donc pouvoir monter les lunettes à la demande, c'est-à-dire organiser des ateliers d'opticiens qui disposent d'un matériel suffisant et de techniciens compétents pour fabriquer une paire de lunettes à partir d'une monture et de verres. Plus qu'un nouveau projet c'est la poursuite de l'activité des promoteurs de santé. Là encore il s'agit de privilégier la formation et le développement d'une activité économique au sein des communautés. Il faut d'une part recueillir les machines à tailler les verres et d'autre part former ceux qui les utiliseront. Deux cycles de formation ont déjà eu lieu durant les étés 1994 et 1995, deux opticiens ont animé deux sessions de cours, à San Francisco Lempa dans le Chalatenango et à San Salvador. Ils ont formé huit techniciens, dont deux blessés de guerre, qui ont appris les rudiments d'un métier dont ils pourront vivre.

Désormais, dans les cas difficiles, le promoteur établit une ordonnance et passe commande auprès de l'atelier de montage. Le technicien monte ensuite les verres prescrits sur la monture la plus adaptée. Les montures proviennent toujours de la solidarité : ce sont les lunettes données dont on a enlevé les verres ; les verres sont achetés en gros au meilleur cours ou donnés par les fabricants. A l'heure actuelle, deux ateliers sont opérationnels : à San Francisco Lempa au coeur du dispositif de promoteurs du Chalatenango et à La Chacra dans la banlieue de San Salvador.

Depuis le début 1995, le centre de La Chacra a émis 2 300 ordonnances et des lunettes ont été fournies dans trois cas sur quatre. La paroisse de La Chacra, avec le soutien, entre autres, d'une association d'opticiens espagnols et de l'ambassade des Pays-Bas, envisage la construction d'un centre de consultations en ophtalmologie pour le printemps 1996. Ce centre regroupera l'atelier, les stocks de verres et de montures, le laboratoire et les salles de consultations, autant d'installations aujourd'hui à l'étroit dans le dispensaire de La Chacra. Il s'agit maintenant d'augmenter le nombre de prescriptions de lunettes en optimisant le fonctionnement de l'atelier, en augmentant les stocks de verres et le nombre de machines et en améliorant la formation des promoteurs et des techniciens.

Mieux voir, c'est pouvoir mieux vivre et travailler, c'est aussi pouvoir lire et participer à la vie politique du pays, un citoyen actif ne pouvant pas être analphabète et isolé. En ce sens, l'action des promoteurs et les techniciens des ateliers dépassse le cadre de la santé publique pour atteindre le politique. Les promoteurs participent à la lutte pour des conditions de vie décentes et une démocratie véritable au Salvador, lutte que mènent les organisations et les paroisses populaires dans lesquelles ils opèrent.


Attention, ce site n'est qu'une sélection des archives de la revue Volcans.

Le site définitif et officiel de la revue Volcans.