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Les paysans ne jouent pas au golf

Par Erika Julien

Tepoztlan, petit village de l'Etat de Morelos ­ la patrie de Zapata ­ situé à 70 kilomètres de la capitale mexicaine, qui abrite un parc national et une zone écologique protégée, est en rébellion ouverte contre les autorités fédérales et régionales.

Depuis le 24 août dernier, farouchement opposée au projet d'implantation d'un club de golf de 187 hectares assorti de 800 résidences de luxe, d'un centre commercial et d'un parc industriel de haute technologie, la population de Tepoztlan a pris d'assaut la mairie, chassé les autorités, et bloqué les principales routes d'accès au village. Les Tepoztèques, relayés par les communautés alentour, de nombreux intellectuels, organisations écologistes et populaires diverses, dénoncent les aberrations du projet du club de golf et ses conséquences scandaleuses. A Tepoztlan, l'eau manque : huit heures d'eau potable par semaine. Chaque mètre carré de gazon du golf consommerait chaque jour trois fois plus d'eau qu'un habitant. Un tiers de la population de Mexico dépend également de cette même nappe phréatique.

Tepoztlan abrite aussi une des dernières réserves écologiques de la région de Mexico. Elle permet le renouvellement de la nappe phréatique et la génération d'un peu d'air pur à proximité de la ville la plus polluée du monde. Les associations écologistes, Greenpeace inclus, dénoncent les effets dévastateurs des tonnes d'engrais et d'insecticides indispensables au bon entretien de la pelouse. Sans compter que les meilleures terres agricoles de la vallée seraient irrémédiablement affectées.

Enfin, comme le résume la présidente du Conseil national de la culture Nahuatl, Maria Malitzin Anzurez : « Tepoztlan fait partie du chemin sacré des populations indiennes, qui comprend l'Ajusco, Malinalco et Chalma. Depuis les années 50, leur territoire a été envahi par des riches et des étrangers, qui ont contribué à l'érosion de la culture locale, Nahuatl. La preuve ? Les écoles ont cessé d'enseigner la langue régionale depuis plus de vingt-cinq ans. »

Le consortium responsable du projet, KS, rassemble du beau monde : une des plus grandes chaînes de télévision nationale, Television Azteca, l'entreprise nord-américaine d'informatique GTE, de nombreux banquiers et hommes politiques de haut vol, et même des capitaux italiens, sur l'origine desquels pèsent de lourdes suspicions depuis l'opération « mains propres » en Italie. KS a beaucoup d'appuis. L'évêque de Cuernavaca n'a-t-il pas affirmé que le projet de ce golf était un « don de Dieu », créateur d'emplois et de développement ?

Bras de fer entre David et Goliath ? La population est très organisée et fait preuve d'une grande unité. Le portrait de Zapata flotte de nouveau sur le fronton de la mairie. Les zapatistes, depuis le fond de la forêt lacandonne, ont envoyé un chaleureux message de soutien aux Tepoztèques.

Le 24 septembre, les Tepoztèques ont organisé leurs propres élections, baptisées « consultation populaire » (clin d'oeil à la consultation nationale des zapatistes).

En présence de nombreux observateurs, notamment le prestigieux intellectuel Carlos Monsivais, la députée Carlota Botey, et les volontaires de l'Alliance civique, 5 800 personnes sont venues désigner un nouveau conseil municipal qui les représente véritablement. Sans autre moyen que leur volonté, ces villageois peuvent se vanter d'avoir pris leur destin en main.

Le nouveau conseil municipal souhaite reprendre au plus tôt les négociations avec les autorités gouvernementales. Ses exigences sont claires : arrêt total du projet de golf, intégration d'un conseil municipal définitif sur la base de la reconnaissance des élections du 24 septembre et l'annulation des poursuites judiciaires contre les membres du CUT. La population est déterminée à ne pas se laisser faire. Le gouvernement l'entendra-t-il de cette oreille ?


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