Pour la première fois depuis 1954 la gauche était présente dans une élection au Guatemala : le Front démocratique pour un nouveau Guatemala (FDNG) et son candidat à la présidence Jorge Gonzalez, ont recueilli 7,71 % des voix. Décevant dans l'absolu, quand on se rappelle que le FDNG est la seule formation qui a fermement fait campagne en direction des 80 % des Guatémaltèques qui vivent dans la misère et des Indiens, pour notamment la réforme agraire, les droits de l'homme, l'alphabétisation et les droits des communautés indiennes, ce score marque le retour officiel de la gauche sur une scène politique où elle était depuis longtemps diabolisée. Bien entendu, le FDNG, parti récent, issu de courants politiques marginalisés, n'a pas disposé des mêmes moyens que les autres formations pour faire campagne, ses candidats ont parfois été menacés et l'actuel président de la République, Leon de Carpio, a dénoncé les liens supposés entre le FDNG et les guérilleros de l'Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG). En outre, des secteurs de l'électorat à priori favorables au FDNG ont parfois eu du mal a voter, en raison de la difficulté et du coût des transports et de la récolte du café en cours qui entraîne les ouvriers agricoles loin de leur bureau de vote.
Néanmoins, ce résultat médiocre, combiné avec un taux de participation non moins médiocre de 46,1 %, ne s'explique pas seulement par l'antiparlementarisme et la méfiance envers une classe politique corrompue. Ces chiffres décourageants traduisent aussi la difficulté des politiques à toucher et à convaincre les plus pauvres et particulièrement les Indiens. Pourtant, les tentatives de séduction à leur endroit n'ont pas manqué : 500 parmi les candidats, dont deux candidats à la vice-présidence, étaient des Indiens. Le prix Nobel de la paix, Rigoberta Menchu, a appelé à la participation, Rigoberta Menchu, ayant elle-même voté pour la première fois... Les populations marginales du Guatémala restent difficile à atteindre, leur indifférence se nourrit sans doute d'une défiance séculaire envers un pouvoir d'abord colonisateur, mais il faut aussi compter avec le souvenir des massacres des années 80 et la difficulté, voire le danger, qu'il y a à contester le pouvoir.
Le taux de participation est toutefois en progrès si on le compare avec celui des précédentes élections législatives, qui marquait un sommet du divorce de la population guatémaltèque et de sa représentation, avec un taux d'abstention de plus de 77 %. Certains observateurs ont rapporté espoir et enthousiasme, notamment chez ceux qui votaient pour la première fois de leur vie. Ce progrès est un petit succès pour les organisations populaires qui ont fait campagne en faveur du vote. L'action de la guérilla, qui a soutenu les élections pour la première fois en 35 ans d'activité, a sans doute également joué. En effet, l'URNG a décrété une trêve unilatérale, acceptée par l'armée, et a encouragé le vote. Il n'en reste pas moins que la faible participation de la population aux élections fragilise la représentativité des élus.
Pour le second tour de l'élection présidentielle, le FDNG ne soutiendra aucun des deux candidats en présence. Il n'appelle pas directement à l'abstention, invitant plutôt les électeurs à agir « », une fois que les candidats en présence se seront prononcés sur les points-clef de son programme : abolition des patrouilles d'autodéfense civile, respect des accords de paix, exhumation des charniers clandestins dans les bases militaires, combat résolu contre la pauvreté et engagement à ne pas privatiser les services publics.
La victoire du PAN a été saluée par la radio d'inspiration nord-américaine La Voix de l'Amérique, à l'en croire, le PAN était la seule formation en lice, non compromise avec les militaires, à disposer de suffisamment d'autorité pour pouvoir gouverner. En extrapolant un peu on pourrait croire que, selon une logique désormais bien connue, les urnes ayant parlé, le Guatemala est maintenant un Etat démocratique. Dans les faits, il n'en est rien, la guerre continue, et la guérilla n'a pas prolongé son cessez-le-feu unilatéral, subordonnant un nouvel arrêt des combats aux progrès des négociations en cours. Les violations des droits de l'homme continuent.