Si l'oeuvre d'un artiste se définit autant par sa cohérence que par sa qualité, le cinéaste mexicain Arturo Ripstein est sans aucun doute un grand artiste. En trente années de création, de Tiempo de Morir à la Reine de la nuit en passant par le Château de la pureté et l'Empire de la fortune, Arturo Ripstein a forgé, avec une belle constance, l'oeuvre la plus noire, la plus pessimiste, voire la plus morbide, qui soit. Et ce n'est pas Principio y Fin, qui sort en ce moment sur quelques écrans français, qui viendra apporter un sourire, fut-il ironique, ou une lueur d'espoir dans une filmographie hantée par l'abjection, la folie et le suicide.
Pour Ripstein, il est évident que les lames de rasoir n'ont été inventées que pour se trancher les veines. Et ceci, de préférence, dans des latrines crasseuses. Dans cette même logique, le désir amoureux ne peut déboucher que sur l'asservissement, le viol et la prostitution. Quant à la famille, elle est le lieu de toutes les ignominies : le frère trahit son frère et la mère pousse ses enfants dans les bras de la mort. Principio y Fin est l'adaptation d'un roman de Naguib Mahfouz qui avait déjà inspiré un film de Salah Abou Seif, Mort parmi les vivants. Ce mélodrame flamboyant était, pour le grand cinéaste égyptien, l'occasion de prononcer un violent réquisitoire contre l'injustice sociale. Le propos de Ripstein est tout autre. Même s'il épingle au passage la corruption de la classe dominante mexicaine, le pessimisme de Ripstein est avant tout métaphysique. Pour lui, le monde est une décharge d'ordures, la vie une malédiction et l'être humain un désespéré sans rédemption possible.