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De la guérilla au néo-libéralisme

Par Miguel Santucar

La signification politique des résultats de l'élection présidentielle nicaraguayennene ne semble guère faire de doute. Le candidat du FSLN, Daniel Ortega, est largement battu. Le sandiniste « dissident », Sergio Ramirez, n'a pas percé, et Arnoldo Aleman, le candidat de la droite conservatrice, voire néo-somoziste, l'a emporté.

Cette défaite du sandinisme peut être attribuée à plusieurs facteurs qui ont tous concouru à nourrir une lassitude, voire un dégoût, des électeurs, mais qui n'ont pas entraîné un fort taux d'abstention (celui-ci a été de l'ordre de 17 %).

Il y a d'abord le ton et les thèmes de la campagne de Daniel Ortega, une fois de plus fort mal inspiré d'avoir écouté ses conseillers en communication issus des pays riches. Il a surtout eu tort de choisir plutôt que la réaffirmation d'un projet de transformation sociale, celle d'un simple amendement de la ligne néo-libérale du candidat conservateur, ce qui l'a conduit à s'adresser au moins autant à la bourgeoisie qu'aux couches populaires pendant toute sa campagne. Si en Europe, certains peuvent encore attendre de la social-démocratie qu'elle préserve des acquis sociaux et amortisse le choc des politiques libérales, il n'en est pas de même dans un pays du tiers-monde, où le néolibéralisme à visage humain n'existe pas.

Le souvenir de la politique économique menée durant les trois dernières années de la présidence d'Ortega ne pouvait pas non plus aider l'électeur de base à percevoir une différence entre sandinisme et conservatisme.

Mais il n'y a pas que cela. La pratique du Front lors des luttes sociales, au cours des six dernières années, a également pesé lourd. On ne peut pas indéfiniment déclencher des conflits durs, allant jusqu'au bord de l'insurrection, pour ensuite passer des compromis d'appareil avec le pouvoir, sur le dos des syndicats et de leurs bases, sans le payer politiquement, surtout auprès des non-militants.

Enfin, l'étendue des phénomènes d'accaparement et de corruption, révélés après les élections de 1990, ont discrédité le FSLN.

Alliances douteuses

Au passif des sandinistes, dans l'opinion, il faut ajouter les pratiques tortueuses du FSLN à l'assemblée nationale. Le Front s'est pleinement adonné au jeu des alliances parlementaires troubles sous la conduite d'Humberto Ortega. Les compromissions, pour ne pas dire les trahisons, acceptées pour conserver ce dernier à la tête de l'armée n'ont certainement pas peu contribué à entacher la pratique politique du Front. On comprend qu'au final, le sandinisme officiel n'ait pas su convaincre les Nicaraguayens.

L'adhésion des électeurs au programme d'Aleman est d'autant plus grave que les Nicaraguayens mesurent depuis six ans les dégâts provoqués par la contre-révolution libérale. La dégradation de l'image de la présidente sortante, Violeta Chamorro, et la perte de légitimité de la coalition hétéroclite qui l'avait portée au pouvoir en sont des signes, entérinés par l'échec cinglant du candidat du Proyecto nacional, qu'elle soutenait.

La question aujourd'hui posée est celle de la capacité du sandinisme à se relever de ce désastre. Les rénovateurs sandinistes, privés de personnalité charismatique, implantés essentiellement dans une petite couche de militants sandinistes des villes, sans base populaire, n'ont pas su ouvrir d'espace de débat. C'est sans doute le seul succès d'Ortega que de les avoir privés de leur fonds de commerce en faisant assaut de « réalisme ».

A l'intérieur du FSLN, il ne semble pas exister d'opposition suffisamment structurée et cohérente pour être capable, à court terme, à la fois d'évincer la direction actuelle et de formuler un projet alternatif cohérent et mobilisateur. Il y avait bien eu, lors du dernier congrès du Front, une candidature alternative à celle de Daniel Ortega en la personne de Vilma Nuñez, avocate, personnalité de l'organisation des femmes, respectée pour son intégrité morale et sa défense des droits de l'homme. Mais peu de « poids lourds » du FSLN l'avaient soutenue, à la notable exception du commandant Henry Ruiz, qui prône une ligne de rénovation révolutionnaire. L'appareil semble donc solidement tenu par la direction. Dans ces conditions, il n'est pas évident que le sandinisme soient capables, en revenant à ses sources, de reconquérir une population chez qui, dans un pays jeune, les bons souvenirs de la révolution s'émoussent, et où la jeunesse a peu de chances de s'engager derrière un projet aussi peu attractif que celui du FSLN aujourd'hui.


Volcans, numéro 24/numéro 9

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