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Bertrand de La Grange, un journaliste en croisade

Par Cécile Dumont

La presse française a largement rendu compte de la Rencontre intercontinentale du Chiapas cet été. Elle s'est également attardée sur les déboires d'un journaliste fort connu de nos lecteurs, Bertrand de La Grange, aujourd'hui correspondant du « Monde » au Mexique et en Amérique centrale. Celui qui se fit un nom en brossant des années durant un tableau polpotien de la révolution sandiniste, s'est vu refuser son accréditation au Chiapas.

« En m'apposant son veto, Marcos s'est tiré une balle dans la tête. » C'est Bertrand de La Grange qui lance cette sentence sans appel contre le « Sub » dans le magazine mexicain Proceso (1), qui lui avait ouvert ses colonnes à propos de l'« affaire » de sa non-accréditation. Le journaliste dénonçait le fait que Le Monde était de fait exclu de la Rencontre, alors que l'envoyée spéciale du quotidien, Catherine Bédarida, recevait, elle, toutes les autorisations des zapatistes.

Ainsi, la commission d'accréditation de l'EZLN prêtait malheureusement le flanc à des critiques et à des cris d'orfraie de la presse parisienne (qu'on aimerait voir aussi tatillonne lorsqu'il s'agit de rendre compte des mouvements sociaux en France, par exemple ­ souvenez-vous de notre grande télévision nationale lors des grèves de décembre) sous prétexte que le travail de De La Grange ne correspondait pas aux normes du « journalisme objectif ». Cette maladresse des organisateurs de la Rencontre, que ceux qui ont suivi la couverture de la guerre au Nicaragua dans ce quotidien pendant de longues années peuvent comprendre sinon approuver, a donné lieu à un communiqué de la direction de ce journal soutenant son reporter.

Sans revenir sur les calomnies que, depuis Tegucigalpa ou San Jose, de La Grange a écrit pendant des années sur le Nicaragua ou le Salvador (à l'époque, Le Monde reçut aussi de nombreuses lettres de protestation et des mises au point sur les sandinistes qu'il ne jugea malheureusement pas utile de publier), citons quelques-unes des déclarations de ce journaliste sur le Chiapas.

Une vision manichéenne

Déjà en avril, dans le quotidien La Jornada (2), à propos d'une polémique concernant Marcos et la société Benetton (3), de La Grange déversait son fiel : « Tous les journalistes ne se sentent pas obligés de sucer le passe-montagne du Sub. »

Avec son habituelle vision manichéenne de l'Histoire (le mur de Berlin est pourtant tombé !), dans Proceso, de La Grange repartait, cet été, en croisade contre l'EZLN, qui, selon lui « subirait l'influence d'autres Etats » et qui « avait profité de l'organisation mise en place par l'archevêché de San Cristobal, ce qui arrangea bien celui-ci ». Non seulement toutes les révoltes seraient commanditées par l'on ne sait plus quel pays étranger ­ voire également par une fraction « rétrograde » du PRI, dans le cas du Mexique ­, dans l'esprit de De La Grange, mais en plus des révolutionnaires sournois abuseraient de tout et de tous, à commencer de l'Eglise, quelquefois consentante... Les attaques du pape contre les prêtres engagés du tiers-monde semblent avoir trouvé là un nouveau porte-parole !

Proceso rapporte également que, lors de cet entretien, le journaliste français a expliqué que les zapatistes perdent leurs appuis au Mexique et à l'étranger. De La Grange a déclaré que l'« EZLN est pire que le PRI ou que le PRD, car ceux-ci ont obtenu au moins la réforme politique ». Au pays de la fraude d'Etat et de l'assassinat comme méthode de règlement des désaccords entre dirigeants « priistes », une telle affirmation n'a pas dû passer inaperçue !

De La Grange règle ensuite leur sort aux personnalités solidaires des zapatistes en trois coups de cuillère à pot. Ainsi le soutien de l'Uruguayen Eduardo Galeano ne vaut rien, car cet écrivain « a toujours vécu en fonction de cela », tout comme Régis Debray (qu'est cette chose que notre reporter n'ose ou ne sait nommer ?). Quant à Danielle Mitterrand, sa présence au Mexique n'a, pour le journaliste, « aucune importance (sic !). Je l'ai déjà vue au Nicaragua, ce qu'elle cherche c'est une satisfaction personnelle, c'est un besoin pour elle. Ce n'est pas elle qui apportera des propositions concrètes contre le néo-libéralisme ». Pas plus que Marcos, conclut de La Grange, qui a sûrement des tas d'idées sur la question.

Signalons enfin que Bertrand de La Grange nous prépare encore des surprises : il est en train de terminer un livre sur l'EZLN, en collaboration avec la correspondante du quotidien espagnol El Pais. Zapata réveille-toi.


(1) Toutes les citations de « Proceso » sont extraites du numéro du 4 août 1996.

(2) « La Jornada », 14 avril 1996.

(3) En avril, « Le Monde » avait publié un article de De La Grange qui prétendait que des contacts avaient lieu entre Marcos et Benetton au sujet d'une hypothétique publicité de cette société en collaboration avec le Sub. Peu de temps après, le quotidien parisien revenait sur cette information sous forme d'un erratum... Selon de La Grange « les lutins s'emparent quelquefois du bureau de nos éditeurs » et la rédaction


Volcans, numéro 23/numéro 9

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