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Bienvenue dans le Chiapas

Discours de la major Ana María

Frères et soeurs d'Asie, d'Afrique, d'Océanie, d'Europe et d'Amérique, bienvenue dans les montagnes du Chiapas.

Nous sommes l'Armée zapatiste de libération nationale. Dans ces montagnes, pendant dix ans, nous avons vécu. Nous nous sommes préparés à la guerre. Nous avons formé une armée. En bas, dans les villes et les haciendas, nous n'existions pas. Nos vies avaient moins de valeur que les machines et les animaux. Nous étions comme des pierres, comme les plantes des chemins. Sans parole, sans nom, sans visage, sans lendemain, nous n'existions pas. Pour le pouvoir, celui qui aujourd'hui a nom « néo-libéralisme », nous ne comptions pas. Nous ne produisions rien ; nous n'achetions rien ; nous ne vendions rien.

Alors, nous sommes partis dans les montagnes pour nous chercher et voir si nous trouvions un remède à notre douleur de n'être que des pierres et des plantes oubliées. (...)

La montagne nous a dit de prendre les armes pour qu'on nous entende. Elle nous a dit de nous couvrir le visage pour qu'on nous voie. Elle nous a dit d'oublier notre nom pour qu'on nous nomme. Elle nous a dit de ranger notre passé pour avoir un avenir. (...)

Voilà qui nous sommes.

L'Armée zapatiste de libération nationale.

La voix qui s'arme pour se faire entendre.

Le visage qui se cache pour qu'on le voie.

Le nom qui s'efface pour qu'on le nomme. (...)

Le lendemain qui se récolte dans l'hier.

Derrière notre masque noir, derrière notre voix armée, derrière notre nom qui ne peut être dit, derrière ces nous que vous voyez, c'est vous.

Nous sommes les mêmes hommes et femmes simples et ordinaires qui se retrouvent dans toutes les races, se peignent de toutes les couleurs, parlent dans toutes les langues et vivent dans tous les lieux. (...)

Derrière nos passe-montagnes, il y a le visage de toutes les femmes exclues, de tous les indigènes oubliés, de tous les homosexuels persécutés, de tous les jeunes méprisés, de tous les émigrés brutalisés, de tous ceux qui sont emprisonnés pour avoir parlé et pensé, de tous les travailleurs humiliés, de tous les morts d'oubli, de toutes les femmes et tous les hommes qui ne comptent pas, qu'on ne voit pas, qui n'ont pas de nom, qui n'ont pas de futur.

Nous vous avons invité à cette rencontre pour venir se chercher, se trouver et se retrouver.

Aujourd'hui, ici dans les montagnes du Chiapas, des milliers d'êtres humains des cinq continents crient

« Ya basta ! » au conformisme, à l'inaction, au cynisme, à l'égoïsme devenu dieu moderne.

Aujourd'hui, ici dans les montagnes du Chiapas, des milliers de petits mondes des cinq continents répètent. Ils répètent l'aube d'un monde nouveau et juste, d'un monde où tous les mondes aient leur place.

Aujourd'hui, ici dans les montagnes du Chiapas, des milliers d'hommes commencent la première rencontre intercontinentale pour l'humanité et contre le néo-libéralisme.

Bienvenue dans les montagnes du sud-est mexicain.

Bienvenue dans ce coin du monde où nous sommes tous égaux parce que nous sommes différents (...).

Oventic, Chiapas, 27 juillet


Volcans, numéro 23/numéro 9

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