Pour les peuples indigènes, l'exercice de l'autonomie s'inscrit dans le respect de la souveraineté de l'Etat mexicain, sans aucune volonté sécessionniste. Les zapatistes le répètent à satiété. Lors du congrès national indigène, il fut défini ainsi : « l'autonomie est la distribution de compétences entre différentes structures de gouvernement qui vont du communal au régional et qui doivent se concevoir comme une diversité de modèles et de niveaux, en accord avec les besoins et les conditions de chaque peuple, et intégrer le droit à un territoire, à l'auto-gouvernement, au plein exercice de nos systèmes juridiques, au développement économique, social et culturel et au contrôle de notre sécurité interne. » Cette autonomie s'appliquerait aux divers échelons existant, le municipe et l'Etat, avec, en plus, la création d'une nouvelle entité, la région autonome. Elle s'effectuerait aussi par une municipalisation des communautés et la création de structures intercommunales afin de régler en commun les problèmes rencontrés. Elle permettrait aussi d'échapper à la multi-fragmentation des communautés indiennes et à leur disparition en tant que société. Cette volonté d'être maître de son destin à l'intérieur de l'Etat mexicain suscite de nombreuses craintes. Les arguments sont contradictoires. Certains y voient le risque d'une désintégration du territoire national, de la réduction de la souveraineté de l'Etat mexicain et l'augmentation des privilèges d'une minorité. D'autres insistent sur la possibilité d'une guetthoïsation, un isolement plus grand et la création de réserves où s'entasseraient les populations marginalisées.
La notion de peuple, telle que la conçoivent les zapatistes est celle définie par la convention 169 de l'Organisation internationale du travail, aussi approuvée par le Sénat mexicain en 1991. Sont considérés « peuples indigènes par le fait de descendre de populations qui habitaient dans le pays ou dans une région géographique à laquelle appartenait le pays à l'époque de la colonisation ou de l'établissement des frontières étatiques actuelles et qui, quelle que soit leur situation juridique, conservent leurs propres institutions sociales, économiques, culturelles et politiques ou des parties de celles-ci. ». Il est cependant difficile pour de nombreuses personnes d'accepter l'idée et l'existence de ces peuples. Les politiques assimilationnistes et intégrationistes tout au long du siècle auraient dû, selon elles, homogénéiser le pays et faire disparaître les différences. Toutefois, le problème reste entier, malgré la récente modification de l'article 4 de la Constitution.
La volonté d'autonomie ne peut s'entendre sans la possibilité de disposer des outils nécessaires à la mise en place de formes de gouvernement propres aux peuples indigènes. Le Congrès national indigène, qui a réuni la majorité des peuples et organisations indigènes en octobre 1996 à Mexico, l'a défini ainsi : « Nous exigeons la reconnaissance de nos systèmes normatifs indigènes dans la construction d'un régime juridiquement pluraliste qui harmonise les diverses conceptions et pratiques de régulation de l'ordre social qui constituent la nation mexicaine. » Le caractère collectif de la société indienne tient ici un rôle prépondérant. La reconnaissance des communautés indiennes comme entité de droit public s'inscrit dans ce cadre. Les cris s'élèvent contre les risques d'un tel système, où les droits civiques et politiques des individus ne seraient plus respectés, et les exemples abondent sur le caractère réactionnaire de certaines traditions : les droits bafoués des femmes ou encore l'élimination physique de voleurs récidivistes. L'amalgame entre traditions et droits indiens est fréquent ; certains critiques présentent les dérives observées comme intrinsèquement liées à la culture indienne.
Pour cette raison, les zapatistes ont formulé leurs demandes différemment, préférant le terme « systèmes normatifs » à celui d' « us et coutumes ». Ces systèmes doivent être compris non pas comme des traditions, mais comme les structures sociales, culturelles et politiques propres aux peuples indiens. Il ne s'agit plus d'éléments sclérosés de sociétés en voie de destructuration, mais de la matrice dynamique de sociétés en perpétuelle transformation. Il est par ailleurs clair que les droits revendiqués et qui devront être inscrits dans la Constitution respecteront les principes de base de la nation mexicaine.
Les modifications que devraient entraîner les demandes zapatistes et indiennes dans la Constitution sont relativement nombreuses. Pour certains, cependant, aucune transformation n'est nécessaire car les peuples indiens sont aujourd'hui reconnus dans l'article 4 de la Constitution. D'aucuns pensent qu'il ne sert à rien de modifier la Constitution si la situation économique ne s'améliore pas, alors que pour d'autres, il est urgent de rénover la Constitution pour permettre aux Indiens de prendre en main leur propre avenir et leur donner les moyens matériels, financiers et juridiques de réaliser leurs projets.
Les zapatistes, depuis le début, défendent un projet de société, fait de complexité, de différences et de tolérance. Leur réflexion est issue de la particularité du peuplement de la forêt des Lacandons. Les communautés qui s'y sont installées depuis les années 50 proviennent de tous les Etats du Mexique et parfois même du Guatemala, en raison de la guerre civile. Elles ont des origines ethniques, politiques, culturelles et religieuses très diverses. Il leur a fallu inventer un mode de coexistence afin de s'organiser et lutter ensemble. Cette expérience est directement à l'origine de la spécificité des revendications des zapatistes et du projet de société qu'ils défendent. Loin de s'inscrire dans un univers fermé et uniquement indien, ces revendications s'ouvrent à l'ensemble de la société mexicaine. Les communautés zapatistes souhaitent à la fois la reconnaissance de leur particularisme et le droit de participer pleinement à la nation mexicaine.
Cette diversité n'existe pas dans toutes les sociétés indiennes. Au contraire, on peut aussi y trouver tous les avatars propres à une société destructurée, en proie au doute et qui tend à se replier sur ses valeurs traditionnelles. De nombreux intellectuels, opposés aux revendications zapatistes, citent régulièrement des exemples de ce type pour appuyer leurs dires, en particulier celui du municipe de Chamula, situé dans les Hautes terres du Chiapas. Il s'agit d'une communauté mono-ethnique, déstabilisée par les changements en cours au Mexique et qui a basculé, pour se protéger, dans le repli sur des traditions ancestrales, en éliminant tous les éléments qui pourraient porter atteinte à la survie de ces dernières. Les femmes ne disposent que de très peu de droits, leur rôle essentiel étant de maintenir les traditions et de reproduire la société à l'identique. Dans les années récentes, des membres convertis au protestantisme et aux sectes évangéliques ont été à maintes reprises victimes de violences : exclusion, assassinats, viols. Il en a été de même pour les opposants au PRI, auxquels sont affiliées les autorités locales. Pour les détracteurs des zapatistes, la communauté Chamula illustre ce que serait une société indienne : une société rétrograde et tendant inéluctablement à l'épuration ethnique.
De telles assimilations sont pourtant inacceptables. La société chamula n'est plus qu'une caricature de société indienne. En effet, les caciques locaux ont accaparé l'ensemble des pouvoirs avec l'aide du PRI et disposent aujourd'hui d'un monopole économique, politique et religieux. Ils ont développé un discours basé sur les valeurs traditionnelles et religieuses qui leur permettent de tenir la population sous leur contrôle et de la pousser à tous les extrêmes. Les revendications présentées par les zapatistes vont à l'encontre de la démarche de Chamula. La place des femmes est affirmée, le droit à la différence martelé.
Depuis de nombreuses années, un discours dominant assimile la recherche d'une identité forte à l'intolérance. Les cas de repli identitaire associés à des phénomènes d'épuration ethnique sont nombreux à travers le monde. En France, l'universalisme et l'assimilation semblent montrer leurs limites, alors que dans les pays anglo-saxons, la séparation ethnique ne va pas sans effets pervers. Dans ce contexte, le message des zapatistes a peut-être une portée universelle. Leur discours révèle une intention claire et toujours réaffirmée. Il ne s'agit pas de séparer les Indiens du reste de la population, mais au contraire de leur permettre de renouer avec leur culture, leur racines, afin d'être en mesure de s'intégrer, sur une base nouvelle, à la nation mexicaine : une identité forte pour une intégration réussie. Par cette simple attitude, ils contribuent peut-être à la réinvention de la citoyenneté.