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Le FMLN aux marches du pouvoir

Par Sylvain Hervy

Le FMLN a marqué un point important lors des élections législatives et municipales du 16 mars, en faisant jeu égal avec ARENA et en remportant la mairie de San Salvador.

Les résultats officiels, annoncés le 25 mars, donnent 28 députés pour ARENA, 27 pour le FMLN, 11 pour le PCN (droite conservatrice), 7 pour la Démocratie chrétienne. Les autres partis obtiennent 11 députés sur 84, 3 pour le Parti de rénovation social-chrétien, 3 pour la coalition Démocratie-chrétienne - Parti démocrate, 2 pour la Convergence Démocratique, 2 pour le PLD et 1 pour le Mouvement unité. Aux élections municipales, le FMLN emporte 53 villes dont les plus importantes du Salvador. Le FMLN, seul ou en coalition, dirigera les mairies de San Salvador, Santa Ana, Chalatenango et les villes industrielles qui entourent la capitale. Dans ces 53 villes, vit 45 % de la population salvadorienne. ARENA dirigera 160 villes contre 211 précédemment. Les autres partis se partagent le reste des 262 municipalités du pays. L'abstention a atteint les 60 %, ce qui est le plus fort taux des dix dernières élections. Seuls 1 119 752 électeurs se sont rendus aux urnes sur les 3,1 millions d'électeurs inscrits sur les listes.

Ces résultats montrent qu'il s'agit plus d'un effondrement d'ARENA que d'un vote en faveur du FMLN. Celui-ci obtient même moins de suffrages que lors des précédentes élections. L'abstention massive de l'électorat d'ARENA provient des conséquences de la politique économique suivie par le gouvernement et qu'il n'envisage pas de modifier. Cette politique d'application stricte des règles du FMI se traduit par la privatisation des entreprises et services publics et par des licenciements massifs de fonctionnaires (15 000 en 1997). L'augmentation de la pauvreté dues à ces mesures commence à toucher les classes moyennes, et l'incapacité du gouvernement à enrayer l'augmentation de la délinquance dans les villes (San Salvador est l'une des capitales les plus dangereuses du monde avec une moyenne de vingt assassinats par jour) expliquent l'abstention qui à frappé ARENA. De plus, la corruption endémique dans ce parti est de plus en plus dénoncée, y compris par des membres démissionnaires d'ARENA. A l'opposé, la gestion des villes dirigées par le FMLN semble un modèle de transparence.

Lors de ces élections, la bipolarisation du pays s'affirme de plus en plus. Les petites formations de centre-gauche sont marginalisées, elles ont perdu leur espace politique depuis la légalisation du FMLN en 1992. Elle sont maintenant réduites à lutter pour leur survie. Depuis décembre dernier, un seuil de 3 % des voix au niveau national a été établi pour les organisations politiques, celles qui ne l'atteignent pas sont dissoutes par le Tribunal suprême électoral. A la suite des dernières élections, le Mouvement unité bien qu'ayant un député devrait disparaître. Le MAS, MSN et autres petites formations n'ayant pas atteint le seuil des 3 %, ni obtenu de mairie ou de député vont disparaître. Le cas du Parti démocrate est plus compliqué, les élections sanctionnent l'échec de la stratégie de ce parti dirigé par Joaquin Villalobos. Le Parti démocrate s'est formé après le départ du FMLN de la majorité de l'ERP et d'une partie de la Résistance nationale (deux des cinq organisations qui ont composé le FMLN durant la guerre civile). L'orientation de plus en plus à droite de cette organisation, l'a même amenée à signer seule avec le gouvernement le pacte de San-Andres, qui approuve la politique d'austérité.

Lors des élections, le Parti démocrate s'est allié à la Démocratie chrétienne dans la moitié des départements. Cette coalition a obtenu 3 députés (1 pour le Parti démocrate et 2 pour la Démocratie chrétienne). Quand il s'est présenté seul, le Parti démocrate a obtenu moins de 1,5 % des voix, il ne dirigera qu'une municipalité. Ces résultats auraient dû entraîner sa dissolution. Comme la dissolution d'une organisation issue de l'ex-guérilla semblait difficile alors que le processus de Paix n'est pas tout à fait accompli, l'Assemblée a décidé d'ajouter les voix obtenues par le Parti démocrate et les voix obtenues par la coalition Parti Démocrate - Démocratie chrétienne. D'autre part, les dirigeants du Parti démocrate ont engagé une campagne pour obtenir la modification de cet article, trouvant le seuil de 3 % trop élevé. Si cette campagne est juste, cet article est un frein à l'expression des petites formations, elle aurait du avoir lieu pendant la mise en place de ces articles du Code électoral.

Une Assemblée sans majorité

La poussée électorale du FMLN, en faisant jeu égal avec le parti gouvernemental ouvre une période inhabituelle au Salvador, et laisse la porte ouverte à tous les scénarios possibles. Aucune organisation ne dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale. Par de simples additions du nombre de députés, le FMLN et la Convergence démocratique pourront bloquer les réformes constitutionnelles et l'adoption du budget, mais ne pourront pas faire voter de lois. De son côté, ARENA aura besoin d'un soutien sans faille des formations de droite et d'extrême droite pour obtenir une majorité simple. La position qu'adoptera la Démocratie chrétienne n'est pas encore connue. Cependant, ce qui reste actuellement de la Démocratie chrétienne est constitué des franges les plus à droite de ce courant, les crises successives de cette organisation ces dernières années ont entraîné le départ des militants de centre-gauche. Cependant, une simple addition du nombre de députés ne permet pas d'imaginer ce qui va se produire, les coalitions et alliances « contre nature » sont fréquentes dans l'histoire politique récente du Salvador. Le Parti de conciliation nationale (PCN), qui représente l'oligarchie la plus conservatrice et l'armée, annonçait dès le 17 mars qu'il « appuirait sans sectarisme les bonnes initiatives du FMLN comme celles d'ARENA ». Cet équilibre des forces à l'Assemblée risque d'entraîner une situation où de petites formations pèseront un poids important, car sans elles aucune majorité n'est possible. Cela commence déjà à apparaître pour la désignation du président de l'Assemblée. Jusqu'à maintenant, la présidence de l'Assemblée revient au président du groupe majoritaire à l'Assemblée. Aucun parti ne disposant de la majorité, les petites formations font valoir que ce poste doit revenir à l'une d'entre elle. Le FMLN et ARENA cherchent chacun à réunir une alliance en faveur de son candidat. Le même scénario se reproduit pour la présidence de chaque commission.

L'impact des élections n'est pas encore mesurable, néanmoins les réactions immédiates d'ARENA et du gouvernement permettent d'imaginer le futur proche. ARENA admet difficilement sa défaite aux municipales et le match nul aux législatives. Au delà des déclarations officielles, de nombreuses personnalités et militants d'ARENA s'interrogent sur un changement de politique économique, reconnaissant là, la source du désaveux des électeurs.

L'analyse des résultats des élections par ARENA a entraîné, le 11 avril, la démission de la direction du parti de Mario Valiente, ex-maire de San Salvador après son échec personnel. Du côté du gouvernement, le président de la République a déjà annoncé qu'il ne remanierait pas le gouvernement et qu'il ne changerait pas de politique.

Le succès du FMLN provoque des réactions modérées de la part de la droite officielle, sur les bienfaits de l'équilibre politique, etc... Par contre, la presse de droite et l'ANEP (le CNPF salvadorien) se déchaînent. El diario de hoy ne cesse de rappeler la guerre civile dans ces éditoriaux et ses caricatures, en continuant à utiliser le vocabulaire de cette période, le FMLN n'est traité que de terroriste et de communiste. L'ANEP fait publier des encarts et des articles annonçant l'apocalypse si le programme de privatisation est remis en cause, ce qui est un des points principaux du programme du FMLN.


Le marché de la Libertad, sur la côte.

L'enjeu et le défi principal pour le FMLN est au niveau municipal, où il pourra mettre en oeuvre son programme. Cependant, la direction des grandes municipalités, ne permet pas d'agir frontalement contre la pauvreté et son corollaire l'augmentation de la violence. Le FMLN va s'efforcer de diriger les nouvelles municipalités en associant le plus possible la population comme c'est déjà le cas dans les villes qu'il dirige depuis 1992, ceci risque d'être plus difficile dans les grandes villes.

Dialogue et concertation au programme

Le programme d'Hector Silva, qui vient d'être élu maire de San Salvador comme tête de liste de l'alliance FMLN, Convergence démocratique et Mouvement unité est l'illustration de la politique municipale du FMLN. Contre l'insécurité, il faut effectuer un travail d'éducation dans les quartiers, plutôt qu'un recours à des solutions policières. Pour améliorer le commerce de rue dans le centre de San Salvador, le recours au dialogue et la concertation est mis en avant. Ce programme est à l'opposé de ce qui a été fait jusqu'à maintenant par ARENA.

Le FMLN sera-t-il capable de réussir à gérer autrement les plus grandes villes du pays, alors qu'il ne pourra pas fondamentalement améliorer les problèmes les plus importants, à cause de l'absence de majorité à l'Assemblée. De plus, comme pour les mairies qu'il administre déjà, le FMLN sait qu'il n'a rien à attendre du gouvernement, si ce n'est des obstacles. Si le FMLN arrive à améliorer la situation dans les grandes villes, il se trouvera en très bonne position pour les prochaines élections présidentielles.


Volcans, numéro 26

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