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Que veulent les enfants au travail ?

Par Manfred Liebel

Nous avons traduit et adapté pour « Volcans » un article paru dans la revue « Envio », numéro 167. L'auteur est un collaborateur du Mouvement nicaraguayen des enfants et adolescents au travail

Depuis 1994, une équipe de travailleurs sociaux s'est efforcée d'analyser l'expérience des enfants au travail et l'interprétation qu'ils en font. Ils ont travaillé à partir de deux dynamiques. Des rencontres, auxquelles ont participé 1 500 enfants, âgés de 9 à 16 ans, travaillant dans la rue, les marchés, les parcs et parkings de Managua, ont été organisées ainsi que des journées de témoignages sur le travail domestique, tenues dans le cadre de la campagne internationale Donner la parole aux enfants et près de 110 jeunes filles du même âge. Les résultats ont été complétés par des entretiens avec 24 enfants d'origine paysanne du Salvador, âgés de 7 à 17 ans.

On nous discrimine

Les enfants au travail se sentent victimes de discrimination par les adultes qui ne reconnaissent ni leur apport au travail ni leur contribution à la survie familiale. Ils se sentent gênés quand on accuse leurs parents de les forcer à travailler, alors que c'est le besoin qui les y pousse. Souvent, dans la rue, mais également au foyer, ils sont insultés, parfois brutalisés. « On nous détruit notre étal, on nous bouscule pour nous chasser. » Parfois leurs parents les maltraitent parce qu'ils n'ont rien vendu.

On se tue au travail

Tous les enfants soulignent le caractère pénible et éreintant de leur travail. Le danger est parfois aussi dénoncé, comme lorsqu'ils doivent répandre des herbicides dans les cultures. Les outils ne sont pas adaptés, le travail est fatigant et il empêche les enfants d'aller à l'école. Ceux qui travaillent dans les décharges souffrent également de la concurrence des adultes et des intermédiaires qui les paient mal et profitent de leur vulnérabilité. Dans les tâches domestiques, les accidents, brûlures, problèmes électriques ou blessures, sont également fréquents lorsque les jeunes filles cuisinent, repassent ou nettoient la maison.

Mais on en a besoin...

De façon unanime, les enfants se plaignent de la durée de leur journée de travail. De dix à quatorze heures en milieu rural, un peu moins en ville, cela ne laisse pas assez de temps pour les loisirs ou pour l'école. Dans le cas des enfants travaillant dans la rue, ils sont d'accord pour partager les recettes avec leurs parents mais souhaiteraient davantage être associés aux dépenses de la famille. Beaucoup trouvent « qu'ils donnent plus qu'ils ne reçoivent ». Presque tous sont opposés à l'interdiction du travail des enfants mais aimeraient qu'il soit contrôlé et réglementé.

... Pour ne pas mourir de faim

Pourquoi les enfants s'attachent-ils à ce travail si dur et si discriminant ? Parce que c'est leur seul moyen de gagner de l'argent et, par là, de se payer ce qu'ils ne pourraient pas obtenir autrement : la possibilité de manger mais aussi de se soigner, de se vêtir et d'aller à l'école. « Sans travail, nous serions analphabètes, habillés en haillons et condamnés à une vie de misère, de famine. » Beaucoup sont conscients que c'est la seule issue pour échapper à la délinquance et à la marginalité, « pour ne pas voler, traficoter ou mendier ».

On apprend à devenir quelqu'un

Beaucoup voient aussi dans leur travail un apprentissage, une occasion d'acquérir de l'expérience et devenir plus autonome. Le travail n'est jamais complètement dissocié du jeu et des loisirs. Il leur permet d'être en groupe, les enfants en ont une vision dynamique. « Le travail se partage, se répartit par groupe, les activités s'accompagnent de chants, et parfois de rires, de danses et de jeux. » Comme l'explique Alejandro Ortiz, dans une étude sur les enfants au travail au Pérou, « dans une famille équilibrée, le travail partagé se vit comme un jeu, un jeu utile ». Alors le travail des enfants peut-il être un élément enrichissant de la vie des enfants et est-il plus réaliste et créatif que les politiques qui visent à l'interdire ? Il n'en demeure pas moins le produit ou la conséquence des conditions économiques dans lesquelles les enfants vivent et essaient de survivre.


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