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Les CPR et la lutte pour la terre

Par Mathieu Dubois

Après une décennie de résistance dans la chaîne de montagnes des Cuchumatanes, dans le triangle Ixil, au nord du département du Quiche et dans les forêts de l'Ixcan et du Peten, suivie de trois ans de relative accalmie, les Communautés de population en résistance (CPR) guatémaltèques s'acheminent par la négociation vers des accords visant à leur procurer des terres en échange de celles qu'ils occupent actuellement.

En 1993, peu après l'attribution du prix Nobel de la Paix à Rigoberta Menchu, les CPR, jusque-là pratiquement ignorées, ont organisé une marche à travers le Guatemala afin de faire connaître à l'opinion nationale et internationale leur présence dans les zones les plus reculées du pays où elles s'étaient cachées pour fuir la répression. La solidarité s'est immédiatement manifestée et, depuis, les accompagnateurs internationaux (1) garantissent, par leur présence, une protection contre les incursions de l'armée et la libre circulation des personnes. Les programmes humanitaires, malgré leur peu de coordination, ont permis d'améliorer sensiblement leur situation matérielle et sanitaire.

Même si elles ne représentent qu'une petite partie de la population guatémaltèque, les CPR ont su exploiter les fruits de leur lutte hautement symbolique en s'impliquant politiquement dans la plupart des mouvements populaires du Guatemala. Elles participent à l'Assemblée de la société civile pour le suivi des accords de paix entre la guérilla et le gouvernement aux côtés de la Coordination nationale des veuves du Guatemala (Conavigua), de la Coordination des réfugiés au Mexique, de la Défense maya ou encore du groupe de prêtres mayas Majawil Qij. Elles y défendent leurs droits aux côtés des plus défavorisés et de ceux qui souffrent le plus, de la violence organisée au Guatemala.

La précarité de la situation des CPR tient au fait que, depuis leur fuite, elles ont été amenées à s'installer sur des terres abandonnées qui, en grande partie, ne leur appartiennent pas. Or les propriétaires, eux-mêmes petits paysans, les réclament.

Nombreux sont les habitants des CPR qui sont retournés vivre dans leurs anciens villages, retrouvant leurs familles et le peu de terres que celles-ci ont conservé. D'autres sont allés s'installer loin du triangle Ixil sur des lopins mis en vente. Aujourd'hui, plusieurs familles, sans avertir la coordination des CPR, ont organisé leur déplacement vers l'Ixcan aux côtés des retornados (2).

Pour les autres, une propriété a été rachetée grâce à des fonds de l'Eglise catholique. Leurs relations avec les retornados voisins n'ont malheureusement pas été aussi bonnes qu'ils l'espéraient.

La lutte des sans-terre

Quant aux CPR de la Sierra, les débuts de négociation avec les habitants de Chajul, propriétaires des terres, semblaient tourner court et l'élection d'un maire du Front républicain guatémaltèque (FRG, dirigé par l'ancien dictateur Rios Montt), évangéliste et poussant à l'affrontement, n'était guère encourageante. Finalement un accord a été trouvé au mois de janvier avec la médiation de l'Eglise catholique. La plupart des terres seront rendues à leurs anciens propriétaires, respectant l'usage maya et l'Etat a été saisi pour réinstaller les CPR les plus démunies sur de bonnes terres. Alvaro Arzu, le nouveau président de la République, est venu à Chajul trois jours après sa prise de fonctions puis a reçu les CPR au Palais présidentiel où il leur a renouvelé son soutien.

La population indigène est en expansion et le triangle Ixil ne peut offrir de terres pour tous, la plupart étant mauvaises (12 % de la population dans le Quiche pour 4 % du PIB).

Pour les CPR comme pour les retornados, il s'agit de revendiquer la terre qui leur permettra de vivre dignement.

La signature des accords de paix, assurément très symbolique, est pour bientôt. Il est probable qu'ils ne comprendront qu'un embryon de réforme agraire. Mais la lutte politique des plus démunis n'a pas attendu. Elle profite du peu d'espace démocratique qui s'est ouvert et est illustrée par ces habitants des CPR. Après avoir tenu tête à la barbarie pendant une décennie sur des terres isolées dans la montagne, elles préfèrent les abandonner volontairement aujourd'hui contre des conditions de vie qu'elles espèrent enfin décentes.


(1) Voir « Volcans » n°14. (2) « Retornados » : ceux qui, après s'être refugiés au Mexique, sont revenus sur leur terre.


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