Un vent tellurique pousse des nuages noirs de contamination, annonciateurs de pluie, une pluie d'ozone et de plomb, prête à se répandre sur la vallée. Popocatepetl, le volcan guerrier, paraît somnoler aux côtés de sa bien-aimée Iztaccihuatl, la femme endormie, et ils envoient ensemble dans les nuées des fumées blanches comme leurs neiges éternelles.
Par un matin aveugle, le volcan peut faire surgir le feu de ses entrailles et tout dévorer. Ainsi la population installée aux pieds de ces géants, sous la bouche cracheuse du feu dévorant, vit-elle avec cette prophétie indigène qui dit qu'à la première étape le ciel tombera sur la terre, qu'à la deuxième la terre sera détruite par les tempêtes, qu'à la troisième la planète périra sous le feu et qu'à la fin le globe terrestre tout entier sera envahi par les eaux.
A la cinquième et actuelle étape, le monde disparaîtrait dans un séisme cataclysmique. Cette prophétie géologique est toujours inscrite dans les esprits des habitants. Tremblements de terre et inondations dominent l'imaginaire terrifiant des rêves. Mais demeure aussi le paysage de l'utopie que nous rappellent les visions des arrivants de 1519 : un paradis terrestre, que les chroniqueurs décrivent comme une Venise mexicaine. « Ils ne pouvaient en croire leurs yeux », Bernal Diaz del Castillo. En effet, ils étaient passés en un bref parcours d'un climat à l'autre, d'une palmeraie à peine mouillée de quelques gouttes d'eau à une inondation, deuxième phase du cataclysme annoncé.
Aujourd'hui, il suffit de prendre la route depuis Mexico, à travers les montagnes, vers Puebla, pour découvrir une végétation luxuriante, surplombée de neiges éternelles, celles des volcans violents comme nous les décrit Geothe : « Là où se trouvent des basaltes et des volcans, l'Histoire devrait être pleine de tourmentes et de contrastes. » Mexico vit aujourd'hui entre deux promesses : celle d'une tempête de feu et celle d'une prophétie d'espoir, que les vicissitudes millénaires du globe n'ont pas entamée.