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Marcos, un internationaliste au Nicaragua

Adapté de Proceso

San Juan de Rio Coco, au nord du Nicaragua. Les habitants du village se souviennent du sous-commandant Marcos, qui, voilà quinze ans, aurait vécu parmi eux en simple internationaliste. Des témoignages parus dans la presse nicaraguayenne repris par la revue mexicaine « Proceso ».

La couturière du village, Juana Barreda, est sûre d'elle, en regardant et en embrassant la photo de Rafael Sebastian Guillen Vicente : « Il s'agit bien de lui. » Une autre femme, surnommée La Paisa, chez qui le jeune homme aurait logé, confirme. « Nous l'avons connu sous le nom de Rafael le Mexicain », précise l'ancien maire sandiniste de ce village caféier de 15 000 habitants.

Les anecdotes racontées par les habitants de San Juan de Rio Coco tissent l'histoire de ce jeune coopérant mexicain qui, comme des milliers d'autres de différents pays, vint aider la révolution sandiniste, dans des tâches sociales, soutenant les syndicats paysans naissant à la campagne. Mais personne ne se souvient de sa date d'arrivée. Il aurait passé trois ou quatre mois là-bas, entre la fin 1979 et le début 1982.

Aucune preuve que Marcos y ait reçu un entraînement militaire, tout au plus aurait-il participé aux exercices que faisait tout le village dans le cadre des milices d'autodéfense. « C'était un brigadiste, venu nous aider », selon le maire actuel, qui l'aurait bien connu. « Il n'a jamais reçu un quelconque entraînement militaire. Il nous a appris à travailler. »

Quelque part au nord du Nicaragua...

Totalement enclavé dans les montagnes, ce petit village du département de Madriz, où on croise désormais des enfants pieds nus dans les rues, se trouve à quelque 300 kilomètres de Managua, au centre d'une région productrice de café, une monoculture dont vit la majorité des habitants. Cette zone avait été le cadre d'une guérilla importante du FSLN pendant la guerre de libération. Pendant les années 80, elle devint la théâtre d'actions violentes de la contra contre le gouvernement sandiniste.

Lorsque Rafael Guillen y est arrivé, San Juan de Rio Coco ne comptait que la moitié de sa population actuelle et connaissait un isolement quasi total. Selon Isaias Perales, secrétaire politique départemental du FSLN, « Marcos » venait d'Ocotal, à quelque 70 kilomètres « avec une brigade de cooperants étrangers ». Il participa surtout aux campagnes de santé, et notamment à celles de vaccination, tout en aidant à l'organisation de la paysannerie.

Elsa Tercero, la première à avoir reconnu Rafael lorsque, le 9 février dernier, le gouvenement mexicain l'identifia, affirme que le jeune homme logea aussi chez elle, dans sa petite auberge, Santa Marta, où elle avait aménagé six petites chambres qu'elle louait : « Il se montrait très aimable, très respectueux. (....) Tout le monde l'aimait. Il nous vouvouyait, il était très formel. J'étais devenue sa mère. Il mangeait ce qu'il y avait. Il cherchait toujours des piments pour ses plats. Mais il n'aimait pas l'alcool, il ne buvait jamais. » Avec un dirigeant de l'UNAG (Union nationale des agriculteurs et des éleveurs) et la propriétaire du magasin du village, ils appelèrent Barricada pour donner la nouvelle de l'identité de « Marcos ». « Marcos a vécu au Nicaragua », ce fut le titre de l'édition du 11 février du quotidien sandiniste.

Rafael restait peu au village : « Il sillonnait constamment la campagne, il visitait les communautés paysannes. Il parlait aux paysans, simplement, mais avec beaucoup de conviction », selon la responsable du CDS (Comité de defense sandiniste), qui l'accompagnait souvent dans les journées de vaccination.

Rafael le bien-aimé

Juana Barreda se souvient d'un jeune homme attirant, « très élégant, très beau ». Personne ne connut jamais son vrai nom, on l'appelait Rafael, beaucoup d'étrangers utilisaient d'ailleurs des pseudonymes au Nicaragua, pendant la révolution. Rafael faisait des interventions politiques, « mais il ne parlait jamais de lutte armée ».

Juana se rappelle d'une réunion à Somoto, avec Rafael et deux autres Mexicains : « Il parlait très calmement. Lorsque quelqu'un le contredisait, il discutait, mais ne s'énervait jamais. Il était très politique et s'exprimait de façon compréhensible pour les paysans. Il était très généreux, souvent il ne mangeait pas afin de ne pas dépenser la rare nourriture de nos hameaux. C'est dommage qu'il ne soit plus parmi nous ! »

Rafael avait parcouru les communautés les plus éloignées de la région, quelques-unes se trouvent à trois ou quatre jours de marche de San Juan de Rio Coco. Il avait participé à l'organisation de plus de vingt syndicats paysans et de la coopérative de petits producteurs de café de Corcasan, qui s'est effondrée après le départ du Mexicain.

« Lorsque les médicaments commencèrent à manquer, raconte Elsa tercero, sa ``maman'' nicaraguayenne, il partait en chercher pour les amener aux paysans. Il leur apportait même de la nourriture dans les centres de production. »

Le premier maire de San Juan de Rio Coco, Moreno, se rappelle l'avoir connu en 1980 : « C'était un de ces hommes que l'on ne rencontre pas tous les jours ! Vraiment bon. Ici, nous ne savions rien, il nous a appris beaucoup de choses. Il nous a aidés à organiser le gouvernement municipal. Il voulait que l'Etat soit à notre service. »

Rafael aimait manger du riz avec des haricots, il adorait les avocats : « Il était imbattable à l'heure de manger le piment et l'ail. Il m'a d'ailleurs appris à manger de l'ail ! »

Dans les réunions, Rafael parlait de Zapata comme de son idole : « Au Mexique, il y eut une révolution, mais la bourgeoisie s'est appropriée l'idéologie du général Zapata. »

Moreno dit également que le jeune coopérant n'était pas armé, « quand cela s'est corsé dans la zone, à cause de la contra, il sortait avec un pistolet ou quelquefois avec un B-2 lorsqu'il partait dans les communautés, mais c'était pour se protéger. Il n'était pas violent, il ne s'est jamais entraîné. »

Mythe ou réalité ? En tout cas, « Marcos » apparaît comme le bien-aimé du village. « Il nous manque », soupire Juana Barreda. « Vous savez comment nous l'avons reconnu dans les journaux ? A ses yeux et à son regard ! »


D'après « Proceso » du 28 août 1995

Traduction M. Sanchez


Encadré

Mexique en lutte, brèves.

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