Que les pères et les mères
Que ceux qui t'ont fait Que ce qui ont fait tous les autres

Que les "Monsieur" Que les "Madame" Que les assis
dans les velours glacés soumis mollasses

Que ces horribles magasins roulants Qui portent tout
en devanture Tous ceux à qui tu pourras dire

MONSIEUR ! MADAME ! Laissez-donc ces gens-là
tranquilles Ces courbettes imaginées

que vous leur inventez ces désespoirs soumis toute cette
tristesse qui se lève le matin à heure

fixe pour aller gagner Vos sous avec les poumons
resserrés les mains grandies par l'outrage et les bonnes moeurs

les yeux défaits par les veilles soucieuses Et vous comptez
vos sous pardon... Leurs sous !

Ce qui vous désonnore c'est la propreté administrative
écologique dont vous tirez

orgueil dans vos salles de bain climatisées
dans vos bidets déserts en vos miroirs menteurs

Vous faites mentir les miroirs Vous êtes puissants
au point de vous refléter tels que vous êtres

encravatés envisonnés empapaoutés de morgue et
d'ennui dans l'eau verte qui descend des

montagnes et que vous vous êtes arrangés pour
soumettre à un point donné à heure fixe pour vos narcissiques partouzes

Vous vous regardez et vous ne pouvez même plus
vous reconnaîtres tellement vous êtes beaux

Et vous comptez vos sous en long en large en marge
de ces salaires que vous lâchez avec

précision avec parcimonie J'allais dire "en douce"
comme ces aquilons avant-coureurs et qui

racontent les exploits du bol alimentaire avec cet
apparat vengeur et nivellateur qui empêche toute

identification Je veux dire que pour exploiter votre prochain
vous êtes les champions de l'anonymat Les révolutions ?

Parlons-en Je veux parler des révolutions qu'on peut encore montrer
parce qu'elles vous servent parce qu'elles vous ont toujours servi

ces révolutions qui sont de l'Histoire parce que les "histoires"
ça vous amuse avant de vous intéresser

et quand ça vous intéresse il est trop tard
on vous dit qu'il s'en prépare une autre Lorsque quelque chose

d'inédit vous choque et vous gêne vous vous arrangez
la veille toujours la veille pour retenir une place dans un

palace d'exilés dans un pays sûr entouré du prestige
des déracinés Les racines profondes de ce pays

c'est vous paraît-il Et quand on vous transbahute d'un
"désordre de la rue" comme vous dites à un ordre nouveau

vous vous faites greffer au retour et on vous salue Depuis
deux cents ans vous prenez des billets pour les révolutions Vous seriez

même tentés d'y apporter votre petit panier pour n'en pas
perdre une miette n'est-ce pas ? Et les "vauriens" qui vous amusent

ces "vauriens" qui vous dérangent aussi on les enveloppe dans
un fait-divers tandis que vous enveloppez les vôtres

dans un drapeau Vous vous croyez toujours vous autres
dans un haras La race ça vous tient debout

dans ce monde que vous avez assis Vous avez le style du
pouvoir Vous en arrivez même à vous parler à vous-même comme

si vous parliez à vos subordonnés de peur de quitter
votre stature vos boursoufflures de peur qu'on vous montre du doigt

dans les corridors de l'ennui et qu'on se dise: "Tiens il baisse
il va finir par se plier par ramper"

Soyez tranquilles ! Pour la reptation vous êtes imbattables
Seulement vous ne vous la concédez que dans la métaphore

Vous voulez bien vous allonger mais avec de l'allure cette
"allure" que vous portez Monsieur à votre boutonnière

Et quand on sait à ce qu'a pu vous coûter de silences aigres
de renvois mal aiguillés de demi sourires séchés

comme des larmes ce ruban malheureux et rouge comme la honte dont
vous ne vous êtes jamais décidé à empourprer votre visage

je me demande pourquoi la nature met tant d'entêtement
tant d'adresse et tant d'indifférence biologique

à faire que vos fils ressemblent à ce point à leur père depuis
les jupes de vos femmes matrimoniaires

jusqu'aux salonardes équivoques où vous les dressez à
boire dans votre grand monde à la coupe des bien pensants

Moi je ne suis qu'un bâtard Nous sommes tous des bâtards
Ce qui nous sépare aujourd'hui c'est que votre bâtardise à vous

est sanctionnée par le Code Civil sur lequel avec votre permission
je me plais à cracher avant de prendre congé

Soyez tranquilles ! Vous ne risquez rien IL N'Y A PLUS RIEN