Théâtre des Champs-Elysées
Lundi 17 mars 1997 à 20h30
Quatre artistes de renom ont accepté de jouer ensemble dans le cadre prestigieux du Théâtre des Champs-Elysées pour dévoiler les possibilités de ce nouvel instrument.
Anne Queffelec, Hüseyin Sermet et Georges Pludermacher joueront des oeuvres de Scarlatti, Beethoven et Bartok. Martial Solal, quant à lui, nous réservera une de ces surprises dont il est coutumier.
Le mécanisme harmonique, qui fait la spécificité de ce nouvel instrument, est le fruit de dix années de recherches de Denis de La Rochefordière, son inventeur. Son principe est simple : il consiste en un système d'étouffoirs révolutionnaire actionnés par une quatrième pédale. Il s'agit d'un ajout à la fonction des trois pédales habituelles, qui modifie le timbre et permet de superposer les plans sonores.
Breveté dans plus de 35 pays et primé par l'ANVAR, le mécanisme harmonique résulte d'un partenariat suivi avec le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris
Ce système actuellement en phase expérimentale est fabriqué par Renner et pourra être monté sur tous les pianos. Il offrira de multiples possibilités à tous les acteurs de la vie musicale : facteurs, compositeurs, interprètes, éditeurs de disques, professeurs...
La recherche de puissance a constamment guidé l'évolution de la facture. Le piano a vu pour sa part sa taille augmenter. L'augmentation du diamètre et de la longueur des cordes ont fait passer la tension de l'ensemble des cordes à plus de vingt tonnes pour les grands pianos.
L'importante énergie dynamique générée par les cordes en vibration a eu pour conséquence une difficulté à interrompre rapidement cette vibration lors du relâchement des touches, en particulier pour les cordes basses. La solution était naturellement d'augmenter la taille des étouffoirs et d'augmenter la pression de ceux-ci sur les cordes. Le piano a évolué dans ce sens.
Il apparaît aujourd'hui qu'une autre caractéristique des instruments à cordes est une résonance par sympathie de l'ensemble des cordes. Les cordes théoriquement non utilisées dans le jeu enrichissent pourtant le spectre harmonique des notes jouées, et créent un halo, une ambiance, qui enrichit par sa pureté et son aspect naturel. Des instruments comme la viole, le luth, le théorbe, ont utilisé et mis en valeur cet enrichissement sonore en rajoutant descordes à vide.
Dans le piano, la rupture importante sur le plan de l'écriture a été l'apparition de la pédale Forte.
Cette ouverture considérable dans l'écriture pour clavier a été déterminante et a consacré le succès du piano par rapport au clavecin. Néanmoins, au fur et à mesure de l'évolution du piano, et après avoir exploité au maximum les formes d'écriture offertes par l'effet sostenuto de la pédale forte, on a observé qu'il était difficile de faire sonner l'instrument pleinement par le seul enfoncement des touches. La pression importante des étouffoirs sur les cordes a eu pour conséquence de brider la résonance naturelle de l'instrument. Cette résonance naturelle ne trouvait à s'exprimer qu'avec l'enfoncement de la pédale forte.
Sur un piano moderne, quand le tempo le permet, la pédale forte est utilisée dans le but de faire sonner l'instrument. parfois elle est utilisée pour garder la note en vibration avant le relâchement de la touche, et parfois elle est utilisée pour faire ressortir la résonance de toutes les cordes du piano.
La contradiction mécanique du piano est ici : si l'on veut faire sonner le piano en utilisant au maximum les vibrations des 200 cordes, les notes ne sont pas proprement interrompues et franchement étouffées au relâchement des touches. L'abus de la pédale, dans le but louable de faire sonner l'instrument, a pour triste conséquence d'empêcher et de dénaturer le jeu articulé et finalement de rendre confus ce qui ressort clairement dans la partition.
De cette évolution est née la réalisation du mécanisme harmonique matérialisé par une quatrième pédale.
Le jeu staccato permet donc très difficilement d'utiliser la pédale forte.
L'apport du mécanisme harmonique est ainsi révolutionnaire car il permet le jeu staccato en maintenant tous les étouffoirs levés à l'exception des notes jouées, qui sont étouffées au relâchement des touches. L'auditeur remarque alors une réverbération qui enrichit le phrasé.
Ce mécanisme est matérialisé par une quatrième pédale indépendante et des étouffoirs inédits.
Celle-ci permet par ailleurs de garder toutes les notes jouées en résonance quant elle est complètement enfoncée. Cette résonance se poursuit, tandis que, en relâchant légèrement la pédale, de nouvelles notes sont jouées staccato.
Il est intéressant de voir que cette pédale à double enfoncement qui permet de superposer les séquences sonores en remplaçant avantageusement la pédale forte et la pédale tonale peut être utilisée sur tout clavier électronique ou non.
Pour une écriture plus orchestrale , pouvoir garder en résonance de grands arpèges puis, en relâchant légèrement ces grands arpèges, est une possibilité qui ressemble à celle offerte par la pédale tonale, pédale centrale du piano à queue.
La pédale tonale permet de maintenir écartées des cordes une dizaine d'étouffoirs au maximum, soit les touches enfoncées par les deux mains ensemble, tout en permettant de jouer staccato les notes suivantes.
Le mécanisme harmonique produisant l'effet inverse de la pédale tonale, on peut parler plutôt d'un effet harmonique tonal . Cette possibilité trouve des applications dans des intentions impossibles :
Quand dans une partition on voit l'indication pédale forte enfoncée durant une phrase, avec dans cette même phrase des notes piquées, cette intention est mécaniquement impossible dans un piano traditionnel. Dés lors que la pédale forte est enfoncée, les étouffoirs ne peuvent pas revenir sur les cordes. Bien sûr, le pianiste utilise la pédale forte avec demi pédales, quarts de pédale pour résoudre cette problématique, ce qui reste toutefois très difficile.
Ces intentions se retrouvent chez pratiquement tous les auteurs, en particulier les transcripteurs comme Listz. Bien sûr, les liaisons sont souvent des indications de style et de caractère plus que d'articulation...
Dans une oeuvre comme les Variations sérieuses de Mendelsohn, il est étonnant d'observer que la totalité des variations peut être jouée en utilisant uniquement la résonance par sympathie, sans jamais utiliser l'effet Sostenuto de la pédale forte. A son époque la pédale forte avait déjà profondément transformé le mode d'écriture pianistique.
L'échappement d'étouffoir :
Dans un piano traditionnel, la pédale forte commande une barre articulée qui soulève tous les étouffoirs simultanément.
Dans le piano à mécanisme harmonique, il y a deux barres articulées: la barre forte (112), qui soulève les chevalets d'étouffoirs (104) collectivement, et la barre harmonique (111) qui agit sur les étouffoirs par l'intermédiaire de chevalets à échappements. Chaque échappement (14) est mobile autour d'un axe (30) et offre une extrémité en prise avec la barre harmonique et une extrémité en prise avec la touche (101).
Un embiellage :
Les deux barres du mécanisme sont actionnées par un mécanisme progressif, ou embiellage (5 + 19 + 20), qui coordonne le déplacement des barres selon un mouvement déterminé. L'enfoncement de la pédale donne plus ou moins de réverbération par sympathie. Quand la pédale est enfoncée complètement, elle maintient les notes en résonance quelle que soit l'action sur les touches, comme sur la pédale forte traditionnelle.
La lyre dispose des trois pédales traditionnelles, avec une quatrième pédale, plus écartée sur la droite, qui commande le mécanisme harmonique.
Renseignements presse : Eric Lamy 01 47 42 48 48