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Monseigneur Romero : quinze ans déjà !

Par Maurice Barth

Le 24 mars 1980, Oscar Arnulfo Romero, archevêque de San Salvador, était assassiné à l'autel. Huit siècles plus tôt, à Canterbury, un autre archevêque subissait le même sort : Thomas Becket. A des siècles de distance, même crime, même instigateur : le pouvoir politique.

Le pouvoir politique supporte mal d'être contesté par une Eglise que, dans l'histoire, il s'est toujours efforcé d'instrumentaliser. En quoi il a d'ailleurs souvent réussi, quitte à concéder quelques faveurs en échange de sa collaboration, au minimum de son silence. Aussi, lorsqu'une voix épiscopale s'élève contre les abus du pouvoir politique elle est entendue par le peuple et prend des risques en ébranlant ce pouvoir auquel elle rappelle qu'il est avant tout au service du peuple, et ne saurait se prévaloir de ses droits pour opprimer au lieu de protéger.

Si Thomas Becket et Oscar Romero ont connu un sort identique, la comparaison s'arrête là, car ni les motifs de leur assassinat, ni l'attitude de Rome à leur égard ne sont les mêmes, et cela incite à la réflexion. Sur injonction du pape Alexandre III, le roi d'Angleterre, Henri II, a dû faire pénitence publique pour être à nouveau admis dans la communion de l'Eglise. Rien de tel avec Mgr Romero. Les auteurs de son assassinat ont certes été blâmés, mais seulement pour motif de sacrilège, le crime ayant été commis dans une église et durant le culte. Aucune excommunication, aucune référence au combat mené par l'archevêque en faveur des pauvres, véritable motif de sa mort. Ce combat, il l'avait d'ailleurs mené sans l'appui des autres évêques, à l'exception d'un seul, et sans l'appui du Vatican. Son Journal (1) , et plus encore les récits des témoins (2), nous révèlent à quel point il a souffert de l'incompréhension romaine, lui qui était profondément attaché à l'autorité du pape. S'il a été entendu par Paul VI, il ne le fut guère par Jean-Paul II, et encore moins par les petits monsignori des bureaux romains. On lui conseillait la prudence, à l'exemple de Jésus-Christ. A quoi il lui fut facile de répondre : « S'il fut si prudent que cela, comment se fait-il qu'ils l'aient tué ? »

Jean-Paul II a-t-il été impressionné par le mouvement populaire proclamant spontanément, dans toute l'Amérique latine, la sainteté de l'archevêque martyr, ou bien a-t-il voulu corriger l'indifférence passée ? Toujours est-il que le processus de béatification est engagé. Il y a moins de risques à honorer les morts que les vivants !

Vivant, Mgr Romero l'est toujours au milieu de ce peuple dans lequel il reconnaissait ses racines et dont il ne pouvait pas supporter les souffrances engendrées par les injustices structurelles, l'égoïsme et l'aveuglement des riches, toutes choses qu'il ne cessait de dénoncer. Il avait vu venir la guerre civile, et il avait multiplié les démarches et les injonctions pour l'éviter. Il n'a pas été entendu.

Le serait-il davantage aujourd'hui ? Les armes se sont tues, il y a eu des élections - quelque peu entachées d'« irrégularités » - mais les structures qui ont engendré le conflit n'ont pas été changées, et le pouvoir est toujours entre les mains de ceux qui ont fomenté tant d'assassinats et qui n'ont nullement fait amende honorable, à commencer par l'ancien président Cristiani qui a pleuré sur la tombe du major d'Aubuisson, instigateur connu de l'assassinat d'Oscar Romero, après l'avoir comblé d'honneurs. Ce même Cristiani a été encensé partout comme l'homme de la paix. Mais c'est aussi sous sa présidence que les jésuites de l'université catholique (UCA) ont été massacrés et les responsables ne sont pas poursuivis. La paix et la démocratie ne peuvent être construites que sur la justice et la vérité.


1) Publié en français aux éditions Karthala.

2) Maria Lopez Vigil, Piezas para un retrato, ed. UCA, San Salavador.


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